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la Cagouille Enchaînée
4 septembre 2010

Y A PLUS QUE LE MEDEF POUR SAUVER LE SOLDAT WOERTH

Tétanisé par la contestation croissante de la réforme des retraites, le patronat a offert à Éric Woerth un sas de décompression. Dans un document interne que l’Humanité a obtenu, la stratégie conjointe du patronat et du gouvernement sur les retraites est très claire : pas de vagues, sinon le gouvernement va  « caler »  !

Le patronat a vraiment soigné l’accueil. Plus d’une dizaine de ministres du gouvernement Fillon se sont pressés à l’université d’été du Medef, mais un seul, Éric Woerth, le ministre du Travail chargé de porter la contre-réforme des retraites, mais désormais enlisé dans les sables mouvants de l’affaire Bettencourt, aura vraiment marqué, à l’insu de son plein gré, son passage vendredi matin…

Soutien ostentatoire et unanime

Alors que Laurence Parisot avait tenu jusque-là à claquer la bise à tous ses invités devant les photographes et les caméras, la patronne des patrons a choisi de ne pas s’afficher publiquement avec Éric Woerth. Scènes de cache-cache un brin grotesque : le ministre soupçonné d’avoir menti sur ses relations avec le gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt passe par une porte dérobée, alors que les hublots avec vue sur les couloirs, où la présidente du Medef taille le bout de gras avec les personnalités présentes, ont été opportunément obstrués avec des bouts de scotch.

À l’intérieur de son université d’été, le Medef a offert un véritable sas de décompression à celui qu’il considère désormais comme son champion : soutien ostentatoire et unanime des participants, claque d’un auditoire acquis à la cause lors de son entrée dans la salle de conférences… Pas la moindre question qui fâche, bien sûr !  Et quand, au milieu du « débat », diffusé en direct par la radio BFM, auquel il a participé, le flash d’actualités évoque « l’affaire Woerth » avec la multiplication des déclarations politiques et désormais syndicales réclamant sa démission, le ministre fait la tronche avant de se reprendre, et de se mettre les doigts dans les oreilles, sous les hourras des patrons supporters… Toujours à bonne distance afin de ne pas apparaître dans le même champ, Laurence Parisot a, elle, envoyé tout son staff pour rassurer son protégé. Qui le lui rend bien en refusant obstinément d’entendre les arguments portés par tous les syndicats  !  « Je suis mobilisé à 120 %  !   Dans ces circonstances royales, Éric Woerth déroule son propos sans risquer la contradiction. « Je regrette en fait que sur un sujet aussi important, il ne puisse pas y avoir un peu plus de consensus national, avertit-il. Que les gens descendent dans la rue le 7, c’est bien normal. S’il n’y avait pas de manifestation sur les retraites, on ne serait plus en France au fond. » Nouvelle ovation, avant une disparition tout aussi discrète.

Sur la réforme, le Medef ne trouve rien à redire

Ce n’est que longtemps après le départ du ministre que Laurence Parisot, peu diserte sur le sujet pendant toute l’université d’été du Medef, a une dernière fois convoqué la presse. Le Medef ne trouve rien à redire, rappelle-t-elle, au projet du gouvernement : allongement de la durée de cotisation, report de l’âge de départ à la retraite et prise en compte individuelle de la pénibilité… Madame est plus que servie, très satisfaite de sa collaboration fructueuse avec le ministre du Travail ! « Il n’y a jamais eu de difficultés à travailler avec Éric Woerth », lance-t-elle devant les journalistes. Et d’insister, avec le chœur UMP, sur le fait que « tout le monde a le droit à la présomption d’innocence dans notre pays »…

En fait, si, avant les manifestations qui s’annoncent très massives le 7 septembre, le patronat la joue profil bas comme jamais, c’est qu’il sait désormais que la victoire sur les retraites n’est plus du tout assurée. Dans les allées de l’université d’été, les patrons sont tétanisés. Et le Medef lui-même s’efface à présent derrière quelques rares artilleurs ou têtes brûlées qui, en prétendant fracasser des « tabous », se contentent de reprendre mot pour mot les sorties de Laurence Parisot d’il y a quelques mois. « Personne n’a suffisamment entendu que si on n’avait pas fait la connerie de porter la retraite à soixante ans en 1981, on n’en serait pas là aujourd’hui, ânonne ainsi l’économiste ultralibéral Michel Godet. Si on n’avait pas fait ça, combien d’euros on aurait aujourd’hui dans un fonds de réserve ? »

De l’« audace », de tout, de rien, mais surtout pas du grand sujet du moment ! Voilà, pour l’essentiel, le patronat se fait très lisse sur les retraites. Et c’est une stratégie, afin de faire avaler la contre-réforme. D’après un compte rendu officiel, daté de mai dernier, de l’une des assemblées permanentes du Medef (voir fac-similé), Laurence Parisot invite ses troupes à agir sur les retraites « avec subtilité pour pouvoir se faire comprendre et faire admettre ses idées ». Un peu plus loin, dans le même document, le Medef écrit noir sur blanc : « Il est évident que le gouvernement et le patronat cherchent à éviter les chocs. Si l’on arrivait à d’énormes manifestations, il est certain que le pouvoir calerait. » Tout est dit sur la grande frousse qui court le long des échines patronales.

La réforme des retraites passera-t-elle ? Le Medef le souhaite, bien entendu, mais rien n’est sûr, à présent… Croyant bien faire, sans doute, Jean-François Copé, chef de file des députés UMP, s’est tiré une très belle balle dans le pied en voulant se montrer rassurant. Et, jeudi, devant une assemblée de patrons, il a, derrière un monument de méthode Coué, admis en creux l’hypothèse d’un retrait du projet gouvernemental. « L’opinion publique est mûre dans la grande affaire des retraites, promet-il. Je suis persuadé que les gens diraient : “Mais qu’est-ce qu’ils font ? ” si jamais, demain, le gouvernement retirait son projet. » La casse de la contre-réforme Woerth est plus que jamais dans toutes les têtes. De ceux qui la souhaitent, et qui se retrouveront mardi dans la rue, comme de ceux qui la redoutent, et qui se sont quittés, hier après-midi, avec le moral dans les chaussettes.

Mehdi Fikri et Thomas Lemahieu
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