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la Cagouille Enchaînée
2 avril 2011

LGV: LES COMMUNES UNIES POUR GAGNER LE BRAS DE FER

2 avril 2011 | Mis à jour | 07h34      Laurence Guyon

Les communes traversées par le trajet de la LGV veulent se défendre plus efficacement face à RFF et au concessionnaire. Elles se regroupent aujourd'hui en coordination. Pour parler d'une même voix. 
Les élus de 11 communes du centre de la Charente se sont retrouvés hier pour créer une association. Ils rejoindront aujourd'hui une coordination regroupant 187 municipalités

"On va se battre", disent-ils en coeur. Les maires des communes traversées par la ligne à grande vitesse (LGV) se sentent tout petits face à Réseau ferré de France (RFF) ou Vinci. Alors ils ont décidé de s'unir pour devenir plus forts.

Cet après-midi à Saint-Gervais-les-Trois-Clochers dans la Vienne, les représentants de 187 communes traversées par les LGV Sud-Europe Atlantique et Bretagne Pays-de-Loire vont constituer une coordination des associations qui se sont montées au fil des mois pour faire entendre la voix des municipalités.

La dernière en date, Access16, pour Association des communes centre solidaire de Charente (1), a été portée hier sur les fonts baptismaux à la mairie de Linars. Et les élus sont pour le moins méfiants vis-à-vis de RFF et Cosea, le groupement d'entreprises en charge de la conception et de la construction de la ligne.

«On a jugé bon de se regrouper pour qu'il y ait une homogénéité de traitement sur le tracé», ajoute Michel Germaneau, le maire de Linars. Denis Durocher, le maire de Trois-Palis, justifie: «Pour avoir du poids, on doit se réunir. Ça nous permet aussi d'échanger nos expériences, d'avoir une réflexion commune.»

Michel Germaneau insiste: «On est là pour défendre les problèmes généraux [lire ci-dessous], ceux que nous rencontrons tous.» Ce qui les agace, c'est la nécessité de négocier sans cesse pied à pied. Tout en constatant que les acquis ne le sont pas toujours. «On nous dit oui sur un point et après on se rend compte que ç'a disparu du rapport final, accuse Michel Germaneau. C'est éreintant.» Le bras de fer dure depuis 2001: «Eux, ils ont l'habitude de négocier. Nous, on a appris au fur et à mesure. Mais on ne leur arrive pas à la cheville. On a en face de nous des gens qui sont rompus aux rapports de force.»

Ping-pong RFF-Cosea

Pierre-Denis Coux, le directeur du projet Sud-Europe Atlantique pour RFF, en convient: «On a une procédure technique qui n'est pas très facile à appréhender. Il y a un rouleau compresseur de procédures. Il veut rassurer. On est dans un état d'esprit où la concertation est très importante.» André Becquer, le responsable de la concertation chez Cosea pour une grande partie de la Charente, estime que «l'esprit est constructif» dans les relations qu'il entretient avec les élus.

Jacky Thomas, responsable de la concertation pour RFF en Charente, est aussi très content du déroulement des opérations: «Je n'ai pas de mauvais échos. Il n'y a pas de situation de blocage», plaide-t-il. Pierre-Denis Coux décode la démarche: «On a regardé les demandes commune par commune et on les a intégrées dans le dossier du concessionnaire.» RFF a passé le relais à Cosea, émanation du groupe Vinci, chargé de réaliser le projet.

Justement, le changement d'interlocuteurs perturbe les élus. «On a eu cinq ou six réunions avec RFF. Maintenant, on nous dit de voir avec Cosea. Et à chaque fois, Cosea se retranche derrière RFF», accuse Gilbert Campo, maire d'Asnières-sur-Nouère. André Becquer se défend: «On ne joue pas au chat et à la souris avec RFF. Dans notre cahier des charges, on doit respecter nos engagements au pied de la lettre.» Jacky Thomas préfère mettre l'accent sur ce qu'il reste de marge de manoeuvre, «essentiellement sur le rétablissement des voiries et sur l'accompagnement paysager et acoustique».

Patrimoine dévalorisé

Et de ce côté-là, les élus ont beaucoup à dire. «On a vu des aménagements de voirie supprimés, a noté Gilbert Campo. On nous fait un raccordement, mais d'une façon qui ne nous convient pas du tout.» «On a encore plein de choses à rediscuter, sur les nuisances sonores, les périmètres qui ne sont pas rachetés, ajoute Jean-François Dauré, le maire de La Couronne. Certains riverains ne verront pas le soleil derrière des merlons de 8 mètres de haut.»

Michel Germaneau, lui, sort sa calculette: «On nous supprime toute l'extension ouest de la commune. Dix hectares, c'est 200 maisons. À raison de 2 000 euros d'impôts, ça fait 400 000 euros qui vont nous manquer.» Yves Manguy, qui préside l'association des communes du tronçon nord de la Charente, fait un constat: «Toutes les communes ont un couloir d'un kilomètre qui est gelé depuis dix ans. Ça perturbe tous les autres projets. Et puis notre patrimoine est dévalorisé.»

Jacky Thomas a le sentiment que les élus «ont tous franchi le pas». «Maintenant, ils sont tournés vers les retombées économiques, en terme d'emploi.» Yves Manguy résume le sentiment général: «La LGV, je ne vois pas ce qu'elle va apporter aux petites communes rurales. Nous, le train, il faudra qu'on aille le prendre à Angoulême ou à Poitiers.»

Les élus charentais ne veulent pas, pour autant, se battre contre des moulins à vent: «La LGV, on est bien obligés de l'accepter. Il faut s'y faire», lâche le maire d'Asnières. Michel Germaneau insiste: «Notre objectif, c'est que ça se passe le mieux possible.»

(1) Asnières, Saint-Genis-d'Hiersac, Bignac, Marsac, Linars, Nersac, Fléac, La Couronne, Roullet-Saint-Estèphe, de même que Trois-Palis et Saint-Saturnin, non traversées par la ligne, mais très proches.


Les revendications

Les associations de communes revendiquent toutes peu ou prou la même chose.

Le FST, fonds de solidarité territoriale. Il est fixé à 100 000 € du kilomètre. «Le montant nous paraît convenable», estime Michel Germaneau. Mais pas les modalités d'attribution: il faut en effet monter un projet à faire financer et la commune doit verser 20% du montant. «Ce n'est pas le moment d'augmenter les impôts dans les communes», plaide Yves Manguy.

La redevance pérenne. «Les dégâts sont pérennes, plaide Michel Germaneau. Comme l'allongement d'un trajet routier pour traverser la commune ou le bruit. On estime que cela a un coût.» Alors, les élus aimeraient voir appliquer le principe d'une taxe annuelle. «Comme une autoroute qui paie une redevance», ajoute Yves Manguy.

Certains avancent un montant de 10 000 € par an et par kilomètre de voie. D'autres aimeraient moduler, selon que l'on se trouve en zone urbaine ou rurale. L'incidence sur le prix du billet a été calculée: 26 centimes sur un Bordeaux-Paris. «C'est du domaine de la loi, rétorque Pierre-Denis Coux. C'est un nouvel impôt. Ça doit passer par le Parlement. Si c'est voté, on l'appliquera.»

L'extension du périmètre d'expropriation. Il est de 25 mètres, affirment les élus. Pas assez! Certains plaident pour un périmètre uniforme, d'autres pour que cela soit à la demande. «Il n'y a pas de règle des 25 mètres, rétorque Pierre-Denis Coux. On ne veut pas acheter les maisons à une distance fixe parce que certains ne veulent pas partir. On veut faire du cas par cas.» 

  
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