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la Cagouille Enchaînée
3 avril 2011

ET SI ON PRIVATISAIT LES LOGEMENTS HLM ?

3 avril 2011 08h45 | Par Jean-Bernard Gilles

Un livre publié aux éditions Mollat sème le trouble dans le monde de l'habitat social. Le président d'une filiale de la Caisse des dépôts propose la vente massive de HLM pour dégager des recettes


L'accession sociale déjà pratiquée dans le monde HLM
est-elle soutenable à plus grande échelle ? Photo thierry david

André Yché est un ancien pilote militaire. Il a aussi été secrétaire général pour les affaires régionales d'Aquitaine dans les années 1990. Il dirige depuis 1999 la Société nationale immobilière (SNI), une filiale de la Caisse des dépôts et consignations qui gère un parc de 300 000 logements dans toute la France. Les deux tiers sont des logements sociaux.

Cet homme proche du pouvoir connaît ses dossiers. Le livre qu'il vient de publier aux éditions Mollat (1) ne sera pas un best-seller, mais, en cette période de crise de l'immobilier, où les logements privés sont de plus en plus chers à la location comme à l'achat et où les listes d'attente ne diminuent guère à l'entrée d'un parc social que les locataires quittent de plus en plus rarement, le propos d'André Yché sème le trouble.

Crise du logement

Sur le constat, personne ne trouvera à redire : la France manque cruellement de logements - 800 000, si l'on en croit la dernière étude de la Fondation Abbé-Pierre. La situation est aujourd'hui particulièrement tendue dans six régions françaises et une quinzaine d'agglomérations où les loyers sont chers, le prix du foncier, inaccessible, et la production de logements sociaux, encore insuffisante. Bordeaux, La Rochelle et Bayonne en font partie.

« Les politiques de défiscalisation de type Scellier ou Robien n'ont pas suffisamment répondu à la demande, faute d'avoir été ciblées sur les zones en tension », convient André Yché, qui évoque une crise « systémique » du logement.

Le patron de la SNI part du principe qu'il ne faut plus attendre une quelconque relance budgétaire nationale en faveur de la politique du logement, quelle que soit la couleur politique de l'équipe au pouvoir. L'État contribue directement (aides à la personne) ou indirectement (aide fiscale à la pierre) à hauteur de 20 milliards d'euros chaque année à la politique du logement. L'auteur affirme qu'il ne pourra que se désengager d'avantage, comme il a commencé à le faire de manière drastique cette année, et que les collectivités locales qui ont pu relayer l'effort national seront rapidement au taquet.

Capital dormant

Les coûts de production augmentent au gré des normes, celui du foncier explose dans les zones en tension, surtout. « Le mouvement HLM est assis sur un formidable capital dormant, souvent amorti et qu'il pourrait valoriser. » La SNI a vendu 1 200 logements l'an passé. D'autres pourraient le faire : « En vendant 100 à 150 000 logements sur dix ans, disons à moitié prix, sur un parc global de 4 millions, on dégagerait des recettes financières qui permettraient de décongestionner le système en relançant la construction de HLM », estime l'auteur.

André Yché suggère aussi aux entreprises sociales de l'habitat de se regrouper pour pouvoir agir plus massivement qu'aujourd'hui sur les marchés en tension. Et leur suggère même de s'associer avec des promoteurs pour construire dans les villes des opérations mixtes comprenant des logements sociaux en majorité et des programmes d'accession libre. Mais, dit-il, il ne s'agit pas de faire entrer les promoteurs dans le capital d'entreprises sociales qui doivent garder « leur vocation d'intérêt général et s'abstenir de distribuer tout dividende ». Pour combien de temps ?

« Privatisation à la russe »

C'est peu dire que ces propositions suscitent un tollé. « Ce n'est pas en vendant du HLM que l'on va réduire le prix de l'immobilier, qui est la cause principale de la crise », assure Jean -Pierre Labroille, syndicaliste CGT, qui pointe l'écart croissant entre les salaires et les prix de l'immobilier.

Ce spécialiste du logement évoque une tentative sourde de privatisation du secteur, « à la russe ». Pour les bailleurs, la ficelle semble un peu grosse. « Nous vendons une petite vingtaine de nos logements par an à nos locataires, mais il est inconcevable d'imaginer ce scénario à plus grande échelle, car nous ne trouverions pas suffisamment d'acheteurs parmi nos locataires, qui payent un loyer bas », avance Marylise Fleuret-Pagnoux, présidente de l'Office HLM de l'agglomération de La Rochelle, une des trois zones tendues du Sud-Ouest.

Du côté du Cilso, le collecteur de 1 % logement dans les entreprises du Grand Sud-Ouest, la réaction est plus nuancée : « Vendre un logement pour lancer la construction de trois autres ne me gêne pas, mais je suis tout à fait opposé à ces logiques de grands ensembles prédateurs sur les bailleurs sociaux des zones moins tendues », explique Jean Robert, le président du Cilso, qui est le principal financeur de la construction du logement des salariés dans nos régions. Ce patron constate toutefois la misère d'un État qui fait aujourd'hui les poches des bailleurs sociaux (lire par ailleurs).

Les propositions d'André Yché ne manqueront d'alimenter un débat électoral où la question du logement va s'inviter inévitablement.

(1) « Logement, habitat et cohésion sociale. Au-delà de la crise », André Yché, éditions Mollat, février 2011, 133 p., 10 €.

   SUDOUEST.fr  

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