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la Cagouille Enchaînée
5 juillet 2011

LA SÉCHERESSE MENACE LA PRODUCTION D'ÉLECTRICITÉ DES CENTRALES NUCLÉAIRES

La sécheresse est une menace pour la production d'électricité. Reportage à la centrale de Golfech (82). 

4 juillet 2011 08h14 | Par Jean-Denis renard

À la centrale de Golfech, les besoins minimaux en matière de sûreté, c'est-à-dire pour le refroidissement des réacteurs arrêtés,
sont évalués à 5 m3 par seconde. Photo Laurent Theillet 

Le 18 juin, la seconde tranche de la centrale nucléaire de Golfech s'est arrêtée. Outre le remplacement du combustible usé, des travaux de maintenance étaient programmés jusqu'à la fin de juin sur ce réacteur de 1 300 mégawatts. Rien d'inopiné à cela, l'événement était prévu depuis l'hiver sur les bords de la Garonne. Il n'a aucun lien avec la sécheresse qui perdure malgré les pluies éparses de juin et qui jaunit les talus aux confins du Lot-et-Garonne et du Tarn-et-Garonne.

À la fin du mois de mai, le plus sec de ces cinquante dernières années, le débit de la Garonne à 30 kilomètres en amont d'Agen était encore de l'ordre de 110 mètres cubes par seconde (m3/s). Dans les derniers jours de juin, il s'affichait à 120 m3/s. Loin de son débit moyen (environ 400 m3/s), mais largement suffisant pour assurer la production à pleine puissance des deux réacteurs.

D'autres centrales nucléaires implantées sur des cours d'eau plus modestes, comme Civaux, sur la Vienne, ou Cattenom, sur la Moselle, sont autrement exposées à l'aléa de la sécheresse. En mai, le débit de la Vienne atteignait péniblement les 15 m3/s. Or, l'atome a besoin d'eau. Les circuits de refroidissement des réacteurs nécessitent un apport permanent. Si le problème de la pénurie ne se pose pas pour les centrales de bord de mer (Gravelines, sur la mer du Nord, ou Penly, sur la Manche), ni pour celle du Blayais, sur l'estuaire de la Gironde, il menace potentiellement les 14 centrales nucléaires françaises construites en bord de rivière.

Au centre nucléaire de production d'électricité (CNPE) de Golfech, on a enregistré avec satisfaction le retour passager de la pluie au début du mois de juin. « Les orages font tout de suite remonter le débit, on était repassé à 350 m3/s. Les besoins minimaux en matière de sûreté, c'est-à-dire pour le refroidissement des réacteurs arrêtés, sont évalués à 5 m3/s. On ne prélève que 0,8 m3/s supplémentaire pour chaque réacteur en fonctionnement. À la conception de la centrale, les calculs ont été faits sur la base d'un étiage millénal avec une marge de sécurité de 15 % supplémentaires », rassure Caroline Bernard, directrice de la centrale.

L'activité du CNPE de Golfech est indexée sur des seuils de débit fixés par arrêté. Si le débit de la Garonne fléchit sous les 85 m3/s, ce qui survient presque chaque année, EDF procède à des lâchers d'eau depuis le barrage de la Gimone, à la limite de la Haute-Garonne et du Gers. À moins de 49 m3/s, le préfet peut demander une baisse du volume d'eau évaporée, cas de figure qui conduit à une baisse de la production. « À moins de 31 m3/s, on a interdiction de rejeter quoi que ce soit dans la Garonne. On ne peut pas tenir plus d'une dizaine de jours en production », précise Caroline Bernard.

Cette dernière hypothèse n'est pas une pure vue de l'esprit. En 1990, avant la mise en service des deux réacteurs, le débit du fleuve était tombé sous ce seuil pendant dix jours. Il est aussi passé sous la barre des 49 m3/s une dizaine de fois depuis un siècle.

La température des rejets

Pour le CNPE de Golfech, la température des rejets est une question bien plus épineuse que la quantité d'eau pompée dans le canal. La réglementation interdit à la centrale de réchauffer l'eau de la Garonne de plus de 1,25 °C entre juin et septembre. Et, en aval du site nucléaire, la température du fleuve doit en théorie rester inférieure à 28 degrés. « Si elle atteint 30 degrés, on arrête les deux réacteurs. La température de nos rejets est normalement située dans une fourchette entre 24 et 30 degrés. Nous n'avons pas beaucoup de marge », concède Caroline Bernard.

Les périodes pendant lesquelles la sécheresse se combine à la canicule compliquent l'équation. Une eau en quantité moindre dans le fleuve se réchauffe plus vite. Durant l'été 2006, le thermomètre oscillait entre 28 et 28,5 °C sur la Garonne, ce qui a amené le CNPE à diminuer de moitié la puissance de la seconde tranche. « À bien y regarder, on refroidissait la Garonne », prétend-on au CNPE. À l'été 2003, la même tranche a subi des baisses de puissance (et même un court arrêt) entre le 14 juillet et le 15 août, avant que la tranche 1 ne soit mise à l'arrêt entre le 15 août et le 1er septembre. Selon EDF, le maximum historique sur les dernières décennies a été atteint en 1979, avec une température de la Garonne à 29,1 °C. On est encore loin de cette valeur. Le 27 juin, en pleine poussée caniculaire, la Garonne était à 22,8 °C.

Gérer la pointe de l'été

L'examen des conditions de fonctionnement de la centrale s'effectue en relation directe avec les pouvoirs publics. « La décision d'arrêter ou non ne nous appartient pas. Il y a d'un côté le milieu naturel et de l'autre la sécurité du réseau électrique. Stopper d'un coup la centrale de Golfech, c'est prendre le risque de faire s'effondrer le réseau du Sud-Ouest. Et si le Sud-Ouest s'effondre, le reste suit », indique la directrice du CNPE.

Cet exercice d'équilibriste, EDF le pratique maintenant tous les étés. Avec la hausse continue de l'usage du climatiseur, l'électricien doit gérer des pointes de consommation estivale qu'il ne connaissait pas il y a encore dix ans. « Un degré en moins en plein hiver, c'est une tranche nucléaire supplémentaire en fonctionnement. Un degré en plus en plein été, c'est une demi-tranche supplémentaire », estime Caroline Bernard.

Faire face à ces pointes estivales est d'autant plus malaisé que, traditionnellement, les arrêts de tranche étaient programmés aux beaux jours. À partir du moment où la consommation nécessite une production à pleine puissance, les fenêtres de tir ont tendance à se rétrécir pour les indispensables opérations de maintenance. Un calendrier a été fixé dès le 15 janvier pour l'ensemble des 58 réacteurs de l'Hexagone. EDF a anticipé des achats sur le marché de gros de l'électricité, fournissant aussi des industriels qui ont souscrit des contrats prévoyant leur « effacement », c'est-à-dire des coupures en cas de surchauffe sur le réseau. Ces mesures visent à éviter la dernière extrémité, à savoir le délestage de régions entières.

Mais, à Golfech comme ailleurs, personne ne peut aujourd'hui garantir que cet événement ne surviendra jamais. C'est, là aussi, la rançon du nucléaire.

   SUDOUEST.fr  

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