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la Cagouille Enchaînée
7 septembre 2011

LE GRAND LIFTING ESTIVAL DE NICOLAS SARKOZY

Nicolas Sarkozy est un professionnel de la conquête du pouvoir. Il l'a démontré brillamment en 2007. Il espère renouveler la performance en 2012. Cela suppose de l'intuition, de l'audace, une confiance en soi très supérieure à la "normale", comme dirait François Hollande, enfin une préparation minutieuse. Elle est engagée. Equipes, organisation, études et projets, communication, tous les chantiers sont ouverts.

Mais une réélection nécessite une autre opération : le nettoyage du bilan, pour en gommer, autant que possible, engagements douteux et produits toxiques. Le chef de l'Etat et ses conseillers ont eu tout le temps d'analyser les causes de l'effondrement de son image six mois seulement après son élection : entré à l'Elysée avec la confiance de deux Français sur trois, il a perdu la moitié de ces soutiens entre décembre 2007 et février 2008, et n'a jamais réussi à remonter ce handicap très lourd.

Quatre fautes initiales expliquent cette dégringolade. La première, analysée à satiété, fut la manière de présider. Nicolas Sarkozy avait annoncé son intention d'être un "président qui gouverne". Il ne fallut pas plus de six mois pour mesurer ce qu'il en était : une "hyperprésidence" narcissique, un activisme brouillon, une communication assommante.

La deuxième faute ne fut pas moins lourde : il serait, promettait-il, le "président du pouvoir d'achat". Le 8 janvier 2008, lors de sa première conférence de presse, l'aveu d'impuissance fut cinglant : "S'agissant du pouvoir d'achat, qu'est-ce que vous attendez de moi : que je vide des caisses qui sont déjà vides ?" Et cela, bien avant le déclenchement de la crise financière de l'automne 2008. Pour beaucoup, dupés et amers, il n'est bientôt plus resté que le président du bouclier fiscal en faveur des plus fortunés.

La troisième faute est plus intime. Ce n'est pas son divorce d'avec Cécilia qui heurte l'opinion, à l'automne 2007, car beaucoup de Français connaissent ce genre d'épreuve. En revanche, l'idylle affichée, deux mois plus tard, avec Carla Bruni fut perçue comme une foucade. Le célèbre "Avec Carla, c'est du sérieux !" démontre assez que, aux yeux des Français, ce ne l'était guère.

C'est au même moment, enfin, que Nicolas Sarkozy reçoit à Paris, en grande pompe, Mouammar Kadhafi. Entre les caprices du dictateur libyen et ses provocations incessantes, cette ahurissante visite tourne au calvaire pour le chef de l'Etat. Pendant six jours, c'est le prestige de la France qui est piétiné. Les Français n'aiment pas.

Or il se trouve que le grand lifting entrepris ces derniers temps vise, précisément, à éliminer - ou à masquer - ces quatre points noirs. Soit que Nicolas Sarkozy l'ait décidé, soit que les hasards de la vie ou de la marche du monde lui en donnent l'occasion.

Objectif n° 1 : la "représidentialisation". Elle est longtemps apparue comme une impossible gageure, un contre-emploi total. Elle est devenue une question de survie. Le président a fini par admettre qu'il n'aurait aucune chance de retrouver les faveurs des Français s'il ne corrigeait pas sa manière de gouverner pour y mettre plus de gravité, moins d'agitation.

Depuis le printemps, il s'y tient, au moins publiquement. La réalité du pouvoir n'a pas changé, tous les dossiers continuent d'être arbitrés à l'Elysée. Mais la mise en scène et la répartition des rôles ont été revues : le président se consacre à l'essentiel, le gouvernement s'occupe de l'intendance. La meilleure démonstration en a été donnée le 24 août : pendant que le premier ministre présentait les mesures de rigueur budgétaire, le chef de l'Etat préparait l'après-Kadhafi avec Mahmoud Jibril, le numéro 2 de la rébellion libyenne.

Les ministres sont également mis à contribution, Claude Guéant sur la sécurité et l'immigration, Alain Juppé sur la diplomatie, François Baroin, au coeur de la tempête financière estivale. Quant à la communication présidentielle, longtemps compulsive, elle s'est faite plus rare, plus sobre et mieux hiérarchisée.

Objectif n° 2 : tenter de faire oublier le "président du pouvoir d'achat" qu'il n'a pas été et le président des riches qu'il a trop été. L'enjeu est si crucial que le chef de l'Etat n'a pas hésité à sacrifier ses dogmes. Le bouclier fiscal ? Il a été supprimé avant l'été. Au profit d'un avantage encore plus substantiel aux ménages les plus aisés, certes - mais c'est moins voyant. Les heures supplémentaires défiscalisées pour honorer le "travailler plus pour gagner plus" ? La mesure, inefficace et coûteuse, va être en grande partie supprimée par le budget à venir.

Quant au refus obstiné d'augmenter les impôts, le rabotage des niches fiscales ou le gadget d'une taxation temporaire des plus riches démontrent qu'il n'a pas résisté à la crise. Laquelle est d'ailleurs transformée en arme politique, permettant de surjouer la rigueur financière et de tenter le grand bluff de la "règle d'or".

Objectif n° 3 : effacer Kadhafi. Depuis le printemps et le déclenchement de l'intervention occidentale en Libye, Nicolas Sarkozy en a fait "sa guerre", comme l'a fort bien décrit Natalie Nougayrède dans ces colonnes (Le Monde du 24 août). Le président français touche aujourd'hui le bénéfice de sa détermination : la chute du dictateur libyen et la réunion de la "conférence des amis de la Libye", le 1er septembre à Paris, à l'endroit même où Kadhafi avait planté sa tente, ont lavé l'affront de 2007.

Reste la sphère privée. Quand on se souvient de l'exhibitionnisme de la rencontre avec Carla Bruni, la discrétion qui entoure la prochaine maternité de l'épouse du président est remarquable. Pas un mot, pas un communiqué, mais quelques photos estivales ont suffi à imposer l'évidence. Puisqu'un enfant va naître, plus besoin de claironner que c'est "du sérieux". Cela va sans dire.

Jusqu'à présent, rien n'indique que les Français sont sensibles à ces recadrages et disposés à accorder à nouveau leur confiance à Nicolas Sarkozy. Mais il leur aura au moins démontré sa "ténacité", son nouveau mot fétiche. En l'occurrence, c'est une qualité nécessaire, sinon suffisante.

Chronique "France" | LEMONDE | 05.09.11 | 13h11   •  Mis à jour le 05.09.11 | 13h11
courtois@lemonde.fr Article paru dans l'édition du 06.09.11

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