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la Cagouille Enchaînée
10 septembre 2011

RENTRÉE DES CLASSES, FRALIB, SONDAGES, LE MIRACLE FRANÇOIS HOLLANDE.

QUI TRUQUE UN ŒUF TRUQUE UN BŒUF !

Cette note, mille diables, est encore trop longue ! Quand j’ai attelé ensemble les petits bouts que j’avais préparés, j’ai bien vu que ça débordait de tous côtés. Pourtant, on m’a fait promettre d’être plus bref. Donc, je fais court pour cette introduction. Souvenez-vous, si vous voulez aider mon travail de conviction, de proposer l’inscription à ma lettre de liaison « Le Petit Courrier du blog». On y accède sur cette page même, colonne de gauche. Nous ne sommes encore que quarante mille inscrits ! Il en faudrait cent mille pour jouer correctement le terrain. Comme ce blog a reçu plus de deux millions de visites depuis janvier, je crois que nous avons une belle marge de progression possible, n’est-ce pas ? Je compte sur vous.
Dans cette note, il est question des sondages. Je constate le miracle dont a bénéficié François Hollande. J’analyse les invraisemblances des résultats annoncés et leur caractère idéologiquement orienté. Je me demande pourquoi la loi, si timide, qui encadre leur pratique n’est pas respectée. Que fait la commission des sondages ? Résignée ?
Mais je parle, avant cela, de la rentrée scolaire, du procès des Fralibs et de ma ballade dans la braderie de Lille. Ah ! Je dis aussi mon mot sur l’ambiance du débat politique et sur ma participation à deux émissions samedi et dimanche derniers.

Mardi 6 Septembre. C’est midi. Je suis en route vers le tribunal de Nanterre. Je dois y retrouver les syndicalistes de Fralib, le « thé Eléphant ». On est convenu de se retrouver sur place avec Pierre Laurent et Patrick Le Hyarric, le directeur de la rédaction de l’Humanité. Je fais route avec Laurence Sauvage, Secrétaire nationale du Parti de Gauche chargée des luttes et David Emain. David est professeur. Sa rentrée est en cours. Je lance le sujet. Mauvaise pioche. Très mauvaise ! Son proviseur s’est suicidé la veille de la pré-rentrée ! On se regarde les trois en silence. David nous apprend aussi que c’était un camarade, nouvel adhérent au Parti de Gauche. Personne ne veut en rajouter parmi nous. Mais comment ne pas se poser la question. On devine laquelle. Bien sûr on ne suicide pas pour une seule raison et peut-être l’idée même de « raison » pour un suicide n’a-t-elle  pas de sens dans la plupart  des cas. J’admets ainsi que le suicide stoïcien est l’exception philosophique dans une règle bien plus complexe d’impasses, de lassitudes et de souffrances. Je m’efforçais de me remémorer  le visage du camarade parmi la troupe des têtes dures du Parti dans ce coin de l’Essonne. Je n’y parvenais pas. Aucun des sourires auxquels je pense ne coïncide avec la nouvelle que l’on m’apprend. Du coup on fait le point sur les informations à propos de cette rentrée. La honte.

La rentrée, quel tableau ! Des redoublants mis à la rue parce que les classes sont pleines, des sections de lycées professionnels fermées en nombre faute d’encadrement suffisant, des transports scolaires devenus payant sans prévenir, des enfants expulsés des cantines. En quelques instants les témoignages de mes deux compagnons de voyage me dressaient un tableau terrible de dislocation du système éducatif. Autour de nous dans le RER les oreilles se dressent, les visages se tournent de notre côté. Je vois des gens qui ont envie de dire aussi ce qu’ils savent. On arrive. « Nanterre préfecture ». En haut de l’escalator, on nous attend. Les drapeaux sont là, Aigline les a apportés avec elle. Une grosse brassée de tissus rouges qui donne du Tam Tam dans le cœur. Nous vivons, puisque nous luttons. Chemin faisant, voyant nos drapeaux et ma mine peut-être,  des gens nous font des saluts et disent des bonjours souriants. En route on croise comme ça un groupe de militants de la CGT de l’agro-alimentaire qui nous mettent dans la bonne direction vers le tribunal. Ah oui, ça y est : du dessus du talus qui surplombe la rue on voit les drapeaux syndicaux et les camarades autour des camionnettes. Le vent porte des notes de musique qui sont jetées à grosses beuglées par ces hauts parleurs si caractéristiques.

En un instant, nous voici tous réunis. On s’embrasse on se congratule, on est heureux de se revoir, on se raconte les aventures de la route. Gérard et Olivier, les porte-parole que je connais pour les avoir découverts lors de ma visite à l’usine me semblent insubmersibles. Les Fralib sont venus en mini bus, neuf par neuf, depuis Marseille. Hélène Le Cacheux, du Bureau national du Parti de Gauche, qui milite dans les Bouches du Rhône a fait la route avec eux. Elle a petite mine. Dix heures de voyage, c’est long. Il est vrai qu’en cours de route un camarade a dû être hospitalisé. Ça use. Mais les salariés de Fralib ne se laissent pas faire. J’étais allé les voir sur place, comme un symbole de résistance ouvrière, pour le lancement de la campagne après mon investiture. Ma précédente note est illustrée avec les photos de cette rencontre. Unilever veut fermer l'usine. Noire arnaque.  Le thé serait produit en Pologne pour être ramené en France où se vendent les deux tiers de cette production. On devine pourquoi la firme Unilever, propriétaire de la marque depuis 1972 organise ce déménagement d’une marque née à Marseille en 1892. Un Polonais s’exploite pour moins cher qu’un Marseillais. Après des mois de bras de fer, Unilever licencie tout le monde. La réplique est en place. Les salariés occupent l’usine. Ce matin-là, trois syndicalistes viennent répondre d’une assignation que leur fait la multinationale pour « atteinte à son honneur ». Je me demande quel genre d’honneur Unilever peut réclamer après ce que la firme a fait aux travailleurs de Fralib ? Il s’agit pour elle de faire peur. Et comme sous l’ancien régime, les manants traversent le pays pour aller en justice. Fralib est un haut lieu de résistance ouvrière. Cette lutte ne sortira pas de ma campagne. Je vais la faire avec eux et elles. Ils veulent faire une SCOP. On va voir ce qu’on va voir. Le soir venu, Unilever est débouté pour… vice de forme.

Mercredi 7 septembre, Jérôme Cahuzac, sur France inter. C’est le président socialiste de la commission des finances de l’Assemblée Nationale. Il soutient François Hollande. Ce matin-là, il se prononce pour la taxation des revenus du capital à hauteur de ceux du travail. C’est un événement. A la clef, vingt-deux points d’impôts supplémentaires sur le capital et cent milliards de recettes fiscales, soit le double du service de la dette. C’est aussi la proposition que je répète d’un plateau de télé ou de radio à l’autre, depuis des semaines, au nom du Front de Gauche. On voit toutes les conséquences de cette mesure. Le journaliste en souligne-t-il la plus importante, à savoir que le déficit de l’Etat est effacé dès la première année, à budget constant ? Pense-t-il à faire le rapprochement avec la revendication du Front de Gauche ? Non. Demande-t-il si cette idée est en accord avec François Hollande ? Non. Fait-il seulement une pause pour permettre à l’auditeur de mesurer ce qui vient d’être dit et en comprendre l’implication ? Non, bien sûr. Qu’a-t-il dit ? Rien. Il est passé à la suite. Tel est le « débat » aujourd’hui. Si Cahuzac avait dit quelque chose sur la couleur de la robe de Ségolène ou évoqué la marque de la teinture des cheveux de Manuel Valls, on aurait eu surement des dizaines de dépêches et de brèves de tous côtés. Mais il a seulement parlé de prendre cent milliards au capital. Pffft ! Aucun intérêt!

Cette sorte d’enlisement de l’information politique dans l’anecdotique, en pleine année présidentielle et en pleine crise économique est un drame civique. J’en suis témoin. Dimanche, j’ai passé une heure sur le plateau de « C/politique » avec madame Géraldine Muhlmann. Toutes sortes de sujets sérieux de l’actualité ont été examinés. Précédés de reportages forts et accompagnés de questionnement sans concession intellectuelle. Un rude moment de vigilance et de réactivité pour moi dans la mesure où le journalisme débarrassé de l’agressivité ou des radotages libéraux est bien plus exigeant que certains pugilats confus et sans surprise. Suivez mon regard. Que reste-t-il de cet échange rigoureux dans l’onde médiatique? Rien. Juste les mots qu’il m’a fallu prononcer comme réponse à la question convenue mais inévitable à propos des allées et venues de Strauss-Kahn. Juste cela.

De toute cette masse de choses dites, il ne s’est propagé d’un média à l’autre que quatre pauvres mots sur DSK. C’est à  pleurer ! Il est vrai que ce jour-là motos et caméras coursaient DSK et son épouse, depuis l’aéroport, dans les rues de Paris et jusque dans la cour de son immeuble. L’information étant nulle c’est la meute elle-même qui fit le sujet de l’information : « des dizaines de caméras attendaient DSK à son arrivée etc… ». On devine que toutes ces caméras et les pauvres diables qui risquaient leur vie à slalomer entre les voitures ne se sont pas mis en route de leur propre chef. Des « patrons » en avaient décidé ainsi. Pourquoi ? Qu’espéraient-ils ? Mystère. Je crois que leur but était seulement d’avoir des images que les autres auraient nécessairement. Effet boule de neige. Rien de tout cela n’est bien neuf. Cela justifie la nécessité d’une révolution citoyenne dans les médias pour libérer notre droit à l’information et au débat sérieux qui est aujourd’hui cadenassé par les chaines de cette conception de l’information conçue comme divertissement.

Les deux émissions de ma « rentrée », comme on dit dorénavant, ont été des succès d’audience et j’en suis très satisfait, comme on le devine. « Salut les terriens » a fait son record d’audimat pour une rentrée et « C/politique » son record de rentrée des trois saisons. Je ne m’attribue pas ce résultat, on s’en doute. Car une audience est d’abord le résultat d’un intérêt et de toutes sortes de motivations et d’habitudes. Et tout cela aussi ne cristallise qu’en fonction d’un savoir-faire professionnel de ceux qui conçoivent et mènent ces émissions. Toutefois que j’ai été l’invité et que cela se soit passé de cette façon est aussi une indication. Pour moi, elle vaut sondage à sa manière.  Je ne dis pas qu’elle vaut approbation de mon propos par ceux qui le reçoivent. Mais le fait souligne un intérêt de retour pour la parole politique dissidente. Je suis un dissident dans le concert unanime des amis de la règle d’or, des compagnons de l’austérité, des griots de la loi du marché et ainsi de suite.

Les belles personnes ne réalisent pas comment se construit l’opinion rebelle. Ils ne mesurent pas combien la monotonie des prêchi-prêcha des sempiternels chroniqueurs à vie finit par mettre en alerte les esprits. Naturellement, cela ne se fait pas en un jour, ni d’une pièce. Le doute nait et contamine à proportion de la longueur du mur de certitudes qui est construit autour des cerveaux par l’effet rabâchage. Il en a toujours été ainsi. Peu importe la soutane ou la nature de l’enfer ou du paradis promis par les catéchistes du moment. La lumière perce l’ombre, de toute façon. Et elle nait dans l’esprit des rebelles. C’est eux le bien précieux du départ. Ceux-là n’ont pas désarmé. Là ou d’autres se désespèrent croyant qu’il s’agit d’un crépuscule, je vois moi, au contraire, une aube. Non il n’est pas minuit dans le siècle. Tout au contraire. Je suis optimiste pour cela.

C’est à cet effet auquel je me réfère lorsque j’évoque la comparaison avec la campagne du référendum de 2005. Je parle du fait qui a poussé spontanément des masses de gens anonymes dans une action d’information mutuelle et d’alerte intellectuelle. Le matraquage actuel sur « la règle d’or », la peur du déficit et de la dette pèse lourd aujourd’hui sur les consciences. C’est bien normal. La machine à bourrer les cranes fonctionne à  plein régime. Qui pouvait croire que les intérêts en jeu ne se mobiliseraient pas comme jamais ! Mais la riposte se noue dans le secret des esprits. Elle surgira d’autant plus fortement et soudainement que le système est à bout de souffle. « Règle d’or » ou pas, il n’a pas d’issue à moins de nommer de ce nom le prolongement sans fin des transes de son agonie prolongée. J’invite donc à ne pas ménager ses forces. Les rendez-vous du 27 septembre avec les syndicats de l’Education et celui du 11 octobre avec les centrales ouvrières sont nos rendez-vous d’étape.

La ballade dans la braderie de Lille fut un moment haut en couleur pour la petite délégation qui m’entourait. En fait, au départ, nous étions une bonne vingtaine. Entourés des drapeaux du Front de Gauche, nous étions aussi précédés d’une fanfare. Oui, une fanfare. Une fanfare militante. Son rôle était d’ouvrir la voie, en douceur et en donnant le sourire, dans la foule dense qui vaquait entre les stands et les étals. Toute la question était là : comment passer sans bousculer. Quand l’idée m’est venue de cette manière de faire, j’ai bien vu le scepticisme. Sur le terrain pourtant l’intuition se révéla bonne. Les gens du cru, les familles avec des poussettes, les amis et les adversaires qui baguenaudaient ont échappé aux habituels bouchons, bousculades et piétinements qui sont dorénavant le lot des parcours politiques sitôt qu’il y a foule, caméras et appareils photos. Le plus magique, tout compte fait, ce fut l’endurance et le sang-froid des musiciens que rien n’arrêtait ni ne démontait tandis qu’ils jouaient, juste et beau. Du coup, nous croisions des sourires et des petits bonjours pleins de gentillesse.

Nous fîmes trois haltes sur un parcours qui dura bien plus d’une heure. D’abord à la CGT, puis à SUD Solidaire, et à  la FSU. Enfin nous sommes arrivés dans le superbe stand de la fédération communiste du Nord qui m’avait invité. Une foule dense se pressait là et on me fit bel accueil. Jusqu’au point où le groupe des chanteuses, ce sont trois femmes, pleines d’humour et de dérision, me fit une aubade avec une chanson sur mon cas (je devrais dire sur mon compte !). Auparavant, j’avais marché bras dessus bras dessous avec des camarades du PG du Nord et du Pas de Calais, tenant le bras de  Michèle Demessine qui fut ma collègue au Sénat. Fabien Roussel le secrétaire fédéral du Parti Communiste et Eric Corbeau de la direction nationale du PC nous entouraient. Nous fumes rejoints en route par Marc Dolez, député du département, mon ami et conseiller comme on le sait. Notre petite troupe allait donc se renforçant à mesure qu’on avançait dans les rues. Elle prit bien vite à son tour l’aspect d’une parade de fierté. Puis ensuite, l’atmosphère de la tablée sous le chapiteau se réchauffa encore. Nous revivions comme des plantes en pot qu’on arrose après un petit coup de soif. C’est que cette ambiance de rue si chaleureuse et cette délégation de confiance que l’on voyait et entendait autour de nous, nous faisait l’effet d’une recharge de batterie. Les mauvais jours finiront. Je pris la route du retour en courant, ou presque, vers la gare. Après notre départ éclata un orage terrible. Le bruit et la fureur, le tumulte et le fracas ne sont jamais loin.

C’est la goutte de sondage qui a fait déborder le vase. C’est « Harris interactive » qui nous provoque. Ça se passe dans « Le Parisien » du 7 septembre. L’institut a sondé 983 personnes selon la méthode des quotas rectifiés maison au doigt mouillé. Un institut très « controversé » comme on dit chez les branchés. Le même tandem avait « vu » Marine Le Pen au deuxième tour en tête du premier tour. Un mauvais gag sans lendemain, qui a pourri l’actualité de la journée des luttes des femmes, cloué tous les débats d’une fin de semaine, faussé tous les commentaires politiques pendant quinze jours. Bidon. Hasard, cette « information » intervenait le jour où ce quotidien présentait sa nouvelle maquette en compétition avec son challenger « Le Journal du Dimanche ». Comme le hasard faisait commercialement bien les choses !

Cette fois, il s’agit de la participation enthousiaste de cet organe de presse à la campagne de François Hollande. Comme tous les autres, il s’agit bien sur de rabâcher que François Hollande a déjà gagné l’élection présidentielle. Mais s’y ajoute, comme le surligne « Le Monde » que Hollande « limite le risque de dispersion des voix à gauche». Il s’agit donc de pousser les feux de la promotion. Hollande « serait le seul à devancer Sarkozy au premier tour de la présidentielle ». Le seul ! En 2007, Nathalie Ségaunes du même journal sommait ceux qui étaient opposés à la candidature de Ségolène Royal de dire pourquoi ils ne voulaient pas de la « seule candidature qui bat Sarkozy ». Pourquoi lire le seul journal qui se trompe tout le temps ? Vaste question. A présent, tout ce qui n’est pas Hollande doit disparaitre. Me voici donc « à la baisse » face à lui, comme dit le facétieux oracle « interactif ». Bien sûr, il en va tout autrement face aux dames qui sont, elles, clouées dans le rôle d’un décor de circonstance. Je progresse face à elles, suivant la logique qui veut que plus le candidat en tête de la gauche est droitier, moins l’autre gauche à d’audience. Comprenne qui pourra ! Pourtant ce sondage ne correspond à celui d’aucun autre institut. Tous les autres, eux, me notent « à la hausse ». Mieux, le jour même, IPSOS publie une vague de sondage qui me place sans changement face à Hollande et en progrès face aux dames. Tandis que Eva Joly est censée être en recul dans les deux cas entre un point et deux points et demi. C'est à dire le contraire de ce que "voit"Harris interactive.  Je m’interroge. Comment des vérités "scientifiques" aussi fondées peuvent-elles être aussi contradictoires? Ce n’est pas la seule discordance, on va le voir.

Pour l’instant, j’en reste à cette édition du « Parisien ». Le plus audacieux est le commentaire. Il fonctionne comme une injonction. En toute neutralité idéologique cela va de soi. Mais assez lourdingue quand même. D’abord il est fait un rapprochement toujours d’aussi mauvais goût avec Marine Le Pen. Ici il s’agit de noter qu’elle « aussi » perd du terrain dans les divinations de leur oracle. Puis vient « l’analyse ». Un copié collé paresseux de la « note de synthèse » du sondeur. Après avoir salué la percée de Bayrou, il est noté que d’autres, comme Hollande et Eva Joly, « avancent des solutions semblant réalistes qui n’entraineraient pas en tous cas un chamboulement du système. » Ah ! Voilà qui est bien pensé et bien dit. Ce que craignent les gens, et surement les lecteurs du « Parisien » tels que cette équipe d’extra lucides se les représentent, c’est de chambouler un système qui marche si bien. Evidemment, dans ce contexte, on devine le sort qui m’est fait. « Ce qui n’est pas le cas de Jean-Luc Mélenchon ni de Marine Le Pen dont les propositions radicales, faire payer les riches pour l’un et sortir de l’euro pour l’autre ne semblent pas avoir convaincu. » Quelle élégance dans le matraquage idéologique ! Tout est dans le « il semble », un dubitatif d’une sublime impartialité.

Et maintenant voici venu l’injonction politique : se mettre au pas. « Le Parisien » me pousse dans le dos vers la cage : « Il apparait même un certain décalage entre les sympathisants du Front de Gauche qui ne nient pas la nécessité de prendre des mesures contre l’ampleur des déficits et le discours volontariste du candidat. ». Car faire payer les riches et réduire les déficits ce n’est pas pareil pour ces  aignlesCes plaisantins prétendent mieux connaitre, que nous, nos sympathisants et électeurs qu’ils respectent si peu et rencontrent encore moins. Tout est dit. De la propagande pour « la règle d’or ». Ce n’est plus un journal, c’est une laisse mentale ! Pour autant, le cas particulier, somme toute assez grossier du journal « Le Parisien » et de « Harris interactive » ne fait que caricaturer un problème plus général. Il ne doit pas faire perdre de vue le grand désordre que les instituts de sondages font régner dans le débat public en le déformant par leurs interventions harcelantes.  Car ces jours-ci, les salles de rédaction viennent d'être abreuvées d'une avalanche de ces « enquêtes ».  L'analyse, même rapide, de ces « documents » révèle une série très ahurissante d'incohérences et d'invraisemblances.

Pourtant, de peur de passer pour « mauvais joueur », où d’être cloué par l’impayable « vous niez la fièvre en cassant le thermomètre », nul ne bronche. Etranges thermomètres, en vérité ! D’habitude deux thermomètres signalent le même degré de fièvre sur l’organisme ausculté. Ici, les thermomètres appliqués au même moment, sur le même organisme, donnent des résultats notoirement différents. Qui a faux ? Le thermomètre ou l’organisme ? « L’organisme » répond l’institut de sondage ! Donc la vérité serait du côté des sondages réalisés le même jour et donnant pourtant des résultats diamétralement opposés. C'est le cas des sondages des instituts LH2 et IPSOS, tous les deux réalisés sur la base d'enquêtes effectuées les 2 et 3 septembre. L'un « voit » Marine Le Pen à 11-12 %, l'autre à 17-18 %. Et Nicolas Sarkozy est dans un cas à 27-29 % et dans l'autre à 22-23 %. Avec de tels écarts (7 points), on est bien sûr au-delà des marges d'erreur communément admises par les sondeurs eux-mêmes autour de 2 ou 3 points. On est donc en pleine divination. Mais le paysage politique ainsi décrit n’a strictement rien à voir selon les deux tableaux.

Si l'on regarde les écarts de scores annoncés pour François Hollande, on constate aussi des écarts colossaux entre instituts : de 28,5 % pour Harris Interactive à 35 % pour LH2. Soit, dans ce cas aussi, près de 7 points d'écarts pour des sondages réalisés à des périodes similaires. En dépit de tels écarts, les journaux soulignent tous avec la même certitude une envolée de François Hollande. Ça va finir par lui porter poisse. « Le Monde » lui reconnait tous les atouts, y compris quand ils sont contradictoires. « Le Monde » prétend en effet à la fois que Hollande est le meilleur pour rassembler l'ensemble de la gauche et pour attirer les centristes ! Croire qu’un tel rassemblement est possible, c’est précisément un thème en débat à gauche depuis quarante ans. Le Monde écrit ainsi dans son édition du 7 septembre 2011 : "Face à Nicolas Sarkozy, François Hollande est le mieux placé dans la perspective de la présidentielle de 2012" [...] M. Hollande bénéficie de quatre atouts. D'abord, il semble le mieux placé pour rassembler le Parti socialiste [...] Ensuite, il paraît mieux à même d'éviter un éparpillement des voix de gauche au premier tour, argument qui pourrait porter si, comme en 2002, le candidat socialiste risquait d'être éliminé dès le premier tour. Si M. Hollande se présente en 2012, les autres candidats de gauche ne totaliseraient que 12,5 % des voix au premier tour. Si c'est Mme Aubry, ces mêmes candidats obtiendraient 14,5 % des voix. Troisième atout de M. Hollande : sa capacité d'attraction sur l'électorat centriste. [...] Enfin, l'ancien premier secrétaire du PS jouit d'une avance sur sa rivale auprès des électeurs les plus « participationnistes » (les plus de 60 ans et les cadres supérieurs). En cas d'abstention importante, ce serait un vrai atout."

Hollande est-il un miracle de la science sondagière ? Il y a des indices qui « semble » le prouver, comme dirait « Le Parisien ». Je voudrai proposer un thème de travail de politologue à ce sujet. Voici le thème. Comment expliquer le miracle qui a permis à François Hollande de prendre instantanément la place de DSK comme candidat favori ? En effet, pendant plusieurs mois, jusqu'à l'arrestation de DSK le 14 mai, les scores annoncés de Hollande dépassaient de justesse les 20 %, en se situant entre 21 et 23 %. Le 8 mai, soit 6 jours avant la chute de DSK, l'institut LH2 donne Hollande à 21 %, distancé par DSK mais aussi et surtout par Martine Aubry. Pourtant, miraculeusement le 19 mai, soit 5 jours à peine après l'arrestation de DSK, Hollande est donné à 29 % par l'Institut IPSOS. Dans la foulée, TNS Sofres le place même à 31 % le 25 mai. Quel discours fondateur a-t-il fait entre les deux ? Quelle proposition novatrice ? Quelle réaction a-t-il eu à un évènement qui justifie cette percée en tête à travers le mur de tous ses rivaux ? Pourquoi le numéro quatre des sondages devient-il le numéro un tandis que le numéro deux fait du sur place ? Voilà ce que nous aimerions savoir. Ses concurrents aussi sans doute. C’est étrange.

Un autre phénomène inexplicable s'est produit au même moment. Les sondeurs ont fait disparaître 10 points d'intentions de votes pour « l'autre gauche ». Dans la quasi-totalité des sondages publiés durant l'année 2010 et le début de l'année 2011, les scores cumulés de Besancenot et de ma candidature dépassaient les 10 %. Avec même des pics à 15 % comme dans un sondage TNS Sofres pour le Nouvel Observateur du 23 février 2011 : face à François Hollande, j'y étais crédité de 7% et Besancenot de 8 %. Ce haut niveau de l'autre gauche était confirmé par les autres instituts, à longueur de sondages.  IFOP affichait des intentions de vote cumulées de l'autre gauche à 13% dans un sondage du 26 novembre 2010 avec 7 % pour ma candidature et 6% pour Besancenot, toujours en cas de candidature Hollande. Mais depuis le retrait de Besancenot et le passage en tête de Hollande, les sondeurs ont littéralement divisé par deux le score qu'ils attribuaient à l'autre gauche. Un sondage IFOP du 21 juillet donnait ainsi un score cumulé de ma candidature et du candidat du NPA à 4,5%. Cette fois ci Harris interactive nous cloue au total à cinq pour cent !

Après avoir « vu » que l'autre gauche baissait en début d'été, dans sa dernière livraison du 2 septembre, l'IFOP analyse désormais que ma candidature est en hausse à 6 %. IPSOS dit de même. L’institut m'attribue entre 1 et 1,5 points de hausse. Est-ce trop pour les chiens de garde ? Le sondage d'Harris Interactive avec « Le Parisien » me « voit » donc en baisse. Il est vrai qu’il faut bien que le total fasse cent pour cent à la fin des tripotages. Car il y a un problème. La disparition de 10 points de l'autre gauche est bien utile pour l’équilibre des comptes de ces bidouillages. Car c’est le moment où vient de surgir miraculeusement un nouveau continent électoral disparu depuis des mois.

C’est l’autre miracle des sondages. La résurrection du Centre. Et quel centre ! Il s'agit de ses multiples têtes, Borloo, Bayrou et Villepin. Le total  a gonflé artificiellement de près de 10 points en quelques semaines. Alors que leurs intentions de vote cumulées dépassaient à peine les 10 % au début de l'année 2011. Elles dépassent désormais les 17-18 % et atteignent même 22 % chez certains instituts. Pourquoi ? Quelle réalité est censée justifier cette poussée ? Quel discours ? Quel acte ? Et comme par hasard Harris Interactive, qui nous voit en baisse, annonce une forte hausse de ces candidats centristes. Donc si on comprend bien, les électeurs de l’autre gauche se sont transformés en électeurs centristes ! Absurde politiquement mais mathématiquement convenable. Mais on voit bien de quel côté tout cela cela pousse.

Il y a enfin une autre bizarrerie significative dans les sondages qui sont publiés. Il s’agit de l'écart considérable entre le total des scores attribués aux candidats de gauche au premier tour et le score attribué ensuite au candidat socialiste qui serait présent au deuxième tour. Pour s’en rendre compte il faut d’abord remarquer l’extrême faiblesse du total gauche au premier tour dans ces enquêtes. En effet la gauche, toutes tendances confondues, y dépasse rarement 40 %. Quelques fois, elle est donnée encore plus bas. Ce résultat résulte évidemment de la sous-évaluation de l'autre gauche. Pourtant le candidat socialiste réapparaît miraculeusement gagnant au second tour ! Il lui est alors attribué de 15 à 18 points de plus que le score cumulé de la gauche au premier tour. Comment est-ce possible ? On connait la rengaine quand on pose la question. Ce serait « l’effet anti Sarkozy » qui unirait le centre et la gauche modérée. Cette convergence rêvée fonctionnerait au détriment de l’autre gauche au premier tour. Puis au détriment de l’UMP au second tour. Tout cela n’est rien d’autre que la mise en musique « chiffrée » d’une orientation politique bien  précise, et bien connue, qui a depuis quarante ans ses porte- parole et ses journaux de référence. Et qui a toujours échoué électoralement. Le record dans cette manœuvre fut celui de Gaston Deferre en 1969 qui fit cinq pour cent sur cette ligne.

Je vais donc saisir la Commission des sondages. Je me situe sur un plan purement scientifique en quelque sorte. J’estime que ces différences d’approches et de résultats posent la question de la méthode utilisée pour y parvenir. Je crois que n’importe quel citoyen est en droit de se poser des questions compte tenu de l’importance reconnue des sondages pour la formation d’une opinion personnelle de nos jours. J’estime que c’est important de connaitre le fin mot de l’affaire puisque ces sondages ont aussi une importance évidente pour tous ceux qui les présentent et les commentent à longueur de journée et de colonnes. Comme il faut éviter les généralisations, toujours mal ressenties, mon intention est de consulter l’autorité de régulation et de contrôle sur le seul cas de Harris Interactive dans la mesure où celui-ci contredit totalement ses collègues. De plus comme ce sondage conduit à une analyse politique qui juge le contenu de ma campagne et pèse sur son orientation. Je vais donc demander à la Commission qu’on me fasse connaitre les coefficients de « pondération » et de « correction » appliqués par Harris interactive sur les chiffres bruts d'intention de vote qu'ils récoltent. C'est d'ailleurs ce que demande une proposition de loi adoptée à l'unanimité par le Sénat.

Ma démarche devrait intéresser la Commission des sondages dans la mesure où il est temps pour elle de revenir sur une scène qu’on pourrait lui reprocher d’avoir déserté alors que de toutes parts montent les critiques. En particulier en ne faisant pas respecter la loi. En effet la plupart des obligations légales ne sont pas appliquées et nul ne semble s’en émouvoir. La loi sur les sondages de 1977 renforcée en 2002 n'impose pas beaucoup de contraintes aux sondeurs et aux médias qui publient leurs sondages. Mais ceux-ci trouvent quand même le moyen de les violer en toute impunité. Pourtant le non respect de ces obligations est puni d'une amende de 75 000 euros par le code électoral. Ces violations ne font curieusement l'objet d'aucune poursuite. Cependant n’importe lequel d’entre vous pourrait bien saisir la Commission et celle-ci devrait alors engager les poursuites.

Voyons ces manquements à la loi. La loi oblige à mentionner "le droit de toute personne à consulter la notice" détaillée du sondage. Or sur les 10 derniers sondages d'intentions de vote publiés pour l'élection présidentielle, 8 ne font pas figurer cette mention. La loi oblige aussi à faire figurer dans la fameuse notice "la proportion des personnes n'ayant pas répondu à chacune des questions". Mais là aussi cette information, décisive pour apprécier la validité d'un sondage et sa portée, est la plupart du temps absente des notices. Notons pour rester justes que l’Institut IFOP est celui qui fait le plus souvent exception dans ce mépris de la loi.

Sans doute la commission aura-telle à cœur de ne pas être jugée complice de pratiques aussi détestables au moins en acceptant d’accomplir sa mission qui est de faire respecter la loi.  Evidemment, je tiendrai ici la chronique de cette démarche et des autres exploits de cette agence de sondage et de son journal de support. Il n’y a pas de raison que mes lecteurs, chaque jour plus nombreux, ne soient pas informés des risques de manipulation que leur font courir certaines lectures et des achats de journaux qui les colportent. Je crois aussi que les entreprises qui font appel aux instituts de sondages pour des enquêtes à caractère plus commercial seront intéressées à savoir ce que valent les méthodes d’enquête de cet institut en particulier, même si c’est dans un autre domaine qui est cependant très sensible. Qui truquerait un œuf truquerait sans peine un bœuf, selon l’adage.  

Puisque le sujet devient sensible, je suis heureux de savoir que va être publié, pour la Fête de l'Humanité, un livre d’analyse : « Sondages – Souriez, vous êtes manipulés », aux éditions Bruno Leprince. 5 euros, comme d’habitude pour les livres de combat militant de cet éditeur. Il s’agit d’un recueil  d'entretiens avec des universitaires spécialistes des sondages. Ils ont accepté de répondre aux questions du Parti de Gauche pour démonter l'imposture en cours. Patrick Lehingue, professeur de sciences politiques à l'université de Picardie, montre concrètement que les sondages sont un produit scientifique de plus en plus frelaté, dont l’élaboration ignore généralement les principes et les enseignements élémentaires de la recherche et de la logique. Rémy Caveng, maître de conférences en sociologie, explique aussi dans ce livre que le sondage est un produit commercial, fruit d’une concurrence féroce et d’un dumping social éhonté. Enfin Alain Garrigou, professeur de sciences politiques à l'université de Nanterre et animateur de l'Observatoire des sondages, explique les dangers du pouvoir actuel des sondages pour la démocratie. S’il fallait un indice de ce danger en toute circonstance, le voici. La jeune révolution citoyenne en Tunisie prépare ses premières élections vraiment libres pour l’assemblée constituante. Les sondages ont été interdits. Devinez pourquoi !

JEAN-LUC-MELENCHON.fr

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