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la Cagouille Enchaînée
2 octobre 2011

RETRAITE À 67 ANS, NON. MAIS COGESTION, OUI !

Ce n'est pas sur les retraites qu'il faut copier l'Allemagne, mais sur le gouvernement d'entreprise. La France gagnerait à s'inspirer de la codétermination à l'allemande, pour construire un modèle européen de gouvernance alternatif à la corporate governance à l'anglosaxonne, explique Guillaume Duval dans sa chronique sur Radio Nova.

Jeudi dernier François Fillon a proposé de porter l'âge de la retraite à 67 ans au nom de la nécessaire convergence sociale avec l'Allemagne. Cela ne vous paraît pas une bonne idée, mais vous auriez une contre proposition à faire à François Fillon…

Oui, cette proposition ne tient pas la route. Tout d'abord il faudra voir si, d'ici 2029, échéance lointaine prévue pour ce passage à 67 ans, les Allemands maintiennent ce projet très contesté. Il a en effet de fortes chances d'être remis en cause lors d'un probable changement de gouvernement. Et surtout, les situations française et allemande sont très différentes sur le plan démographique : entre 2000 et 2010, la population des 15-64 ans s'est accrue de 2,5 millions de personnes en France alors qu'elle diminuait de 2 millions de personnes en Allemagne. Un écart qui devrait continuer à se creuser à l'avenir : il est né en France 829 000 bébés en 2010, contre 681 000 en Allemagne. Soit 13 pour mille habitants chez nous contre 8 outre-Rhin… On comprend que nos voisins soient très inquiets pour l'avenir de leurs systèmes sociaux et puissent même envisager des mesures aussi extrêmes que la retraite à 67 ans mais la France n'a aucune raison de les suivre sur ce terrain…

Pour autant cette affaire de « convergence sociale » avec l'Allemagne vous paraît intéressante…

En effet, sur le terrain des retraites ça n'a pas de sens mais sur celui de la gouvernance des entreprises cela serait beaucoup plus pertinent : en nous inspirant de la façon dont les Allemands gèrent leurs entreprises nous pourrions sans doute rattraper une part de notre retard industriel. Depuis la seconde guerre mondiale, les entreprises allemandes sont gérées selon le modèle dit de la Mitbestimmung, la codétermination. Dans ce cadre, les comités d'entreprise allemands, les Betriebsräte, ne doivent pas simplement être consultés comme les Comités d'entreprises français, mais ils doivent donner au préalable leur accord pour un grand nombre de décisions managériales (temps de travail, organisation des congés, attributions de locaux, introduction de nouvelles technologies, fermeture d'un établissement, fusion avec une autre entreprise…). De plus dans toutes les entreprises de plus de 2 000 salariés, la moitié des membres des Conseils de surveillance sont des représentants des salariés à parité avec les représentants des actionnaires, alors que chez nous seuls les actionnaires sont représentés dans les Conseils d'administration.

En quoi serait-ce plus favorable que la situation française actuelle ?

Contrairement au management autoritaire à la française, ces contraintes obligent les dirigeants allemands à rechercher en permanence un consensus avec les représentants du personnel. Cela a pour contrepartie une réelle adhésion des salariés à la stratégie de l'entreprise. Même si c'est difficile à quantifier, cette adhésion est très certainement un facteur déterminant de la performance industrielle allemande… De plus, dans la crise, ce dialogue permanent, et obligatoire, a permis à l'Allemagne d'éviter la montée du chômage malgré une récession beaucoup plus importante que chez nous, préservant ainsi l'industrie et permettant à son économie de redémarrer plus vite. Nous aurions donc nous aussi tout intérêt à adopter d'urgence des règles similaires. Cela aurait de plus l'avantage d'indiquer au monde que l'Europe commence à se doter d'un modèle commun de gouvernance d'entreprise rompant enfin avec le modèle anglosaxon de la corporate governance au profit des seuls actionnaires qui a définitivement failli…

Guillaume Duval
Article Web - 26 septembre 2011
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