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la Cagouille Enchaînée
14 novembre 2011

LES EUROPÉENS FONT CORPS POUR DÉFENDRE L'EURO

Les démissions, à quelques jours d’intervalle, du Grec Georges Papandréou et de l’Italien Silvio Berlusconi peuvent être interprétés comme une victoire des marchés qui ne croyaient plus à la capacité de ces deux chefs de gouvernement de mener à bien les réformes nécessaires pour redresser les comptes publics de leurs pays respectifs. Leur remplacement par des techniciens incorruptibles, Lucas Papadémos, ancien vice-président de la Banque centrale européenne, et par Mario Monti, ancien commissaire européen (1994-2004) ne peut que les rassurer. Surtout, les marchés veulent que les partis politiques enterrent la hache de guerre et s’attellent de conserve à redresser leur pays, les sacrifices nécessaires ne pouvant être consentis par les citoyens que si personne ne leur fait miroiter un chimérique chemin censé être moins douloureux. La seule question laissée ouverte par une diminution de l’endettement public est celle de la répartition de l’effort entre les riches et les pauvres ou entre la finance et l’économie réelle.

Mais il faut aller au-delà de cette première analyse : les « marchés » ne sont pas une entité constituée, il s’agit d’une multitude d’opérateurs qui ne font que refléter le monde tel qu’il est. Or, tant en Grèce qu’en Italie, les gouvernements en place avaient perdu la confiance des citoyens, ce qui explique largement leur incapacité à redresser leur économie. Les marchés n'ont fait qu'en tirer les conséquences en fuyant des pays de plus en plus instables politiquement. Ils n'ont pas été contre les peuples, ils n'ont fait que les suivre. A Rome, les Italiens n’ont pas défilé pour protester contre la « dictature des marchés » et pour soutenir leur premier ministre, mais ont hurlé leur joie de voir partir un clown corrompu, otage de la Ligue du nord, qui dégradait l’image de leur pays. En Grèce non plus, nulle manifestation de soutien à Papandréou. Au contraire, deux sondages publiés hier (dans To Via et Realnews) montrent que le changement intervenu sous la contrainte extérieure est applaudi des deux mains : entre 73 et 75 % des sondés grecs approuvent la nomination de Papadémos et entre 63 et 78 % pensent que la grande coalition mise en place est une bonne chose… Bref, parler de "dictature des marchés" comme le fait Jean-Pierre Jouyet, le patron de l'AMF, est, à tout le moins, un contresens.

Plus intéressant encore : en Grèce, l’affaire du référendum avorté a mis en évidence qu’une immense majorité des citoyens veut rester dans l’euro, consciente qu’une sortie ne réglerait rien, bien au contraire. Le problème de la Grèce, ce n’est pas la monnaie unique, mais une classe politique largement corrompue qui a mis en place un État inefficace. Plutôt que de faire les réformes nécessaires qui toucheraient sa clientèle, le gouvernement a préféré matraqué de taxes le secteur productif déclaré (environ 60 % du PIB), ce qui s’est avéré contreproductif. En mettant Papandréou devant ses responsabilités, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont donc bien joué : le fait d’exiger qu’un éventuel référendum porte sur l’appartenance à l’euro a suffi à précipiter la chute du premier ministre et l’union nationale, car le sujet n’est tout simplement pas là. Ceux qui doutaient de l’engagement européen des Grecs secoués par une crise d’une rare gravité en sont donc pour leurs frais.

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si dans aucun des pays en difficultés l’appartenance à l’euro n’a été remise en cause : en Irlande, au Portugal et bientôt en Espagne, les citoyens ont chassé des gouvernements rendus responsables (à tort ou à raison) de la dégradation des comptes publics, mais jamais ils n’ont voté pour des partis voulant quitter la zone euro, trop conscients de ce qu’ils auraient à perdre dans l’affaire. Dans ces pays, les nouvelles majorités se sont même fait élire en promettant de mettre en œuvre les réformes nécessaires.

Même dans les États qui ne sont pas en difficulté, l’appartenance à l’euro est moins que jamais mise en question. Ainsi, en Slovaquie, pays bien plus pauvre que la Grèce, le gouvernement n’a pas hésité non plus à se sacrifier sur l’autel de l’euro pour faire voter l’extension des moyens du Fonds européen de stabilité financière (FESF). Ou encore, en France, prochain pays de la ligne de front, la crise a accru le soutien à l’euro, comme l’a montré un sondage BVA publié le 3 novembre dernier par Challenges : 77 % des Français sont désormais favorables à la monnaie unique. Nicolas Sarkozy en profite au passage : sa cote de popularité remonte depuis qu’il s’est engagé à redresser les finances de l’État…

La crise de la dette souveraine est donc en train de montrer que les citoyens européens sont bien plus attachés à la monnaie unique qu’on ne le croyait et parfaitement conscients que les États ne peuvent plus continuer à vivre à crédit. Attaqués, les citoyens serrent les coudes autour de leur monnaie, donnant jour après jour tort aux eurosceptiques et europhobes de tout poil. Finalement, seuls les citoyens allemands continuent à douter de l’intérêt de l’euro. Mais cela ne devrait pas durer, la classe politique ayant enfin admis qu’une explosion de l’euro entrainerait l’Allemagne dans une tourmente dont elle ne sortirait pas indemne.

Bref, le départ d’un pays de la zone euro apparaît plus que jamais improbable. Les citoyens ont en fait déjà acté que l’intégration devra aller bien plus loin qu’aujourd’hui : tout comme les marchés, ils savent qu’une monnaie unique ne peut s’accommoder de dix-sept politiques économiques et budgétaires souveraines. La crise de la dette souveraine aura fait prendre conscience à 332 millions de citoyens de la zone euro de leur communauté de destin.

Photos : Reuters


LIBERATION.fr

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