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la Cagouille Enchaînée
11 mars 2012

JAPON - LA CRAINTE AU QUOTIDIEN

Après la catastrophe, les Japonais ont revu leur façon de vivre, en réduisant notamment leur consommation d'énergie. La reconstruction prend du retard, 90 000 réfugiés s'entassent dans des maisons temporaires.

Shuko Atsumi, survivante du tsunami, habite désormais dans une maison temporaire où elle « passe le temps ». (photo O.Datiche)

Au Japon

Un tremblement de terre de magnitude 9. Un tsunami dont les vagues dépassent 20 mètres de haut. Puis la fusion des cœurs de trois réacteurs de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. Pour les habitants du Tôhoku, région agricole et rurale du nord-est du Japon, le temps s'est arrêté le 11 mars 2011, peu avant 15 heures. Pour le reste de l'archipel, les certitudes ont volé en éclats depuis le triple cataclysme. À Sendai ou Tokyo, beaucoup de familles ont désormais, près de la porte d'entrée de leur appartement, un sac de vivres et du matériel de première nécessité, en cas de fuite lors d'un séisme majeur.

Peur du « Big One »

« Je crois que le tsunami a fait prendre conscience à un grand nombre de Japonais ce qui était important et ce qui ne l'était pas, alors que le quotidien les poussait plutôt à l'insouciance », résume Makoto Misaya, une dynamique employée de bureau de 36 ans vivant à Tokyo. Depuis la catastrophe, elle reconnaît qu'elle téléphone plus souvent à ses proches, notamment chaque fois que la terre tremble. La peur du « Big One », le séisme majeur qui détruirait Tokyo, s'est réveillée chez les habitants de la capitale. Dans cette mégalopole où la consommation et le consensus social ont été élevés au rang d'art de vivre, quelques indices permettent d'illustrer cette prise de conscience collective, dont l'accident de la centrale de Fukushima a été le révélateur. L'éclairage public a été réduit à des proportions plus raisonnables. Des messages pour inciter la population à faire des économies d'énergie ont fait leur apparition et ont a priori été suivis d'effet. L'été dernier, les Japonais utilisaient moins leurs climatiseurs, et la capitale a réduit ses dépenses en électricité de 20 %.

« Avant, on pensait que grâce au parc nucléaire, on pouvait se permettre de ne pas faire d'économies, mais c'est terminé. Tout le monde essaie de faire attention. Les Tokyoïtes sont prêts à payer plus cher leur facture d'électricité plutôt que d'accepter que l'on relance les centrales à l'arrêt », poursuit-elle.

Sur les 54 réacteurs nucléaires que compte le Japon, qui produisaient 30 % de l'électricité, seuls deux sont encore en activité, pour quelques semaines seulement. En parallèle, les centrales thermiques tournent à plein régime et les importations de gaz et de pétrole se sont envolées. Les opposants à l'atome veulent saisir cette occasion pour organiser un référendum pour que le Japon sorte du nucléaire.

Pour les populations directement touchées par le tsunami, la phase d'urgence est bien terminée : les logements collectifs dans des gymnases ont fait place à des quartiers entiers de logements temporaires, les « kasetsu jutaku ». À Ishinomaki, Kesennuma et Rikuzentakata, les villes les plus durement touchées, 90 000 personnes s'entassent désormais dans ces cubes de préfabriqués, alignés sur des terrains en périphérie des centres-villes.

Habitants isolés

C'est notamment le cas à Higashi-matsushima, pour les rescapés de la zone portuaire d'Omagarihama. Takeichi Ono, 64 ans, a été désigné porte-parole de la communauté : « La plupart des gens qui vivent ici ont perdu des membres de leur famille, notre quartier n'est plus qu'un tas de débris. Certains sont isolés, dépressifs, il faut être à l'écoute. On espère pouvoir retrouver un logement stable dans cinq ou six ans. »

Shuko Atsumi, son ex-voisine, a perdu son fils, ainsi que son petit-fils et sa femme, dans le tsunami. À 79 ans, elle « passe le temps » en buvant du thé avec ses amies et en confectionnant de petites poupées de tissu pour les enfants. Elle ne veut plus jamais voir la mer. Des villes entières sont condamnées à disparaître, car les trains ne les desservent plus. Le soir, les routes le long de la côte sont encombrées par les embouteillages, depuis que ceux qui ont gardé leur emploi font des dizaines de kilomètres supplémentaires. Quelques restaurants ont rouvert leurs portes autour des quartiers de logements temporaires. On y vient le soir pour se réconforter autour d'une tasse du saké.

Les rejets radioactifs de la centrale de Fukushima Daiichi ont aussi condamné de nombreuses communes. Outre les 110 000 personnes évacuées dans un rayon de 20 kilomètres autour de la centrale, beaucoup de villes environnantes se sont vidées de leur population. À Iitate, où la radioactivité est aussi forte qu'à quelques kilomètres de la centrale, les derniers habitants vivent cloîtrés chez eux et ne sortent que pour faire leurs courses. Les produits provenant du Tohoku ont été jugés impropres à la consommation et les agriculteurs sont au chômage tech- nique.

À Minamisoma, à 23 kilomètres de la centrale, ceux qui sont restés ne font plus confiance aux autorités et mesurent eux-mêmes le taux de radioactivité. De nombreux pères de famille ont conservé leur travail sur place : ils louent une chambre d'hôtel pour la semaine et rejoignent leur famille le temps du week-end, pour minimiser les risques. À l'hôpital de la ville, quelque 10 000 check-up ont été effectués sur les populations à risque, prioritairement les enfants et les femmes enceintes.

Publié le 11/03/2012 à 06h00
Par Arnauld bernard

SUDOUEST.fr

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