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la Cagouille Enchaînée
17 avril 2012

UNE MÉMOIRE À VIF

Raymond Aubrac, un éternel combattant qui n'a jamais cessé d'être un «indigné»

L'actualité nous réserve parfois de bien étranges collisions. Ainsi, en cette même place, évoquions-nous hier les multiples et angoissantes questions que se posait la Norvège à quelques jours du procès de l'auteur de la tuerie d'Utoya. Anders Breivik serait-il finalement jugé en juillet prochain comme un fou ou un criminel ?

Comme un déséquilibré mental ou comme le produit d'une idéologie ultra-nationaliste et xénophobe qui émerge à nouveau un peu partout au sein du vieux continent, idéologie dont il n'aurait fait que pousser la logique jusqu'à cette terrible et meurtrière extrémité ?

Or voilà que quelques heures plus tard, on apprend la mort d'un homme dont toute la vie aura été l'exact contraire de la trajectoire de Breivik. D'un homme dont la vie a toute entière été consacrée à la lutte contre le nazisme, ce cancer idéologique de l'esprit et du coeur dont le criminel Breivik revendique le sinistre héritage. Hier, nous évoquions l'éternel combat entre le «bien» et le «mal».

Aujourd'hui, c'est un homme de Bien qui disparaît après avoir passé 97 ans de sa vie à se battre contre la barbarie, la haine et l'intolérance. Héros de la Résistance, figure de légende avec sa femme Lucie, Raymond Aubrac était un des derniers grands témoins de cette Résistance qui permit à la France de retrouver son honneur, sa fierté, sa dignité.

La guerre terminée, ce résistant de la première heure, ce compagnon de Jean Moulin, cet évadé multi-récidiviste n'avait pas choisi, comme bien d'autres qui étaient loin d'avoir à leur actif les mêmes faits d'armes, de profiter de son aura pour se lancer en politique ou faire valoir une carte de visite incomparable.

Ce fils d'une famille juive né le jour de l'assassinat de Jean Jaurès n'était pourtant pas seulement un homme de courage mais aussi une brillante intelligence. Ingénieur des Ponts et Chaussées, licencié en droit, il avait été avant la guerre l'un des deux seuls Français à décrocher un master de science d'Harvard. Raymond Aubrac revint donc à la vie civile: commissaire de la République à Marseille, responsable du déminage du littoral, inspecteur général à la reconstruction, directeur de la FAO...

Avec sa femme Lucie, avec laquelle il formait «un couple de légende» comme le soulignait hier Serge Klarsfeld, ils n'ont cessé de témoigner de leur histoire qui rejoignait l'Histoire. Un passé glorieux dont ils ne cherchaient à tirer aucune gloire. Leurs interventions dans les écoles et les lycées n'avaient qu'un but: garder la mémoire vive afin que jamais la «bête» ne redresse la tête. Les hommages que toute la classe politique lui a unanimement rendus hier témoignent de la place singulière qu'occupait cet éternel combattant.

Un combattant qui n'a jamais cessé d'être un «indigné». Un militant qui jusqu'au dernier souffle s'est battu pour que la France n'abandonne pas les fondements du Conseil national de la Résistance.

12 Avril 2012 | 04h00  Mis à jour | 07h03 
Jacques Guyon

CHARENTELIBRE.fr

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