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la Cagouille Enchaînée
26 mai 2012

DES FONDS PUBLICS POUR PAYER LES VACANCES D'UN DÉPUTÉ (MEDIAPART)

 

Les députés peuvent faire ce qu'il veulent de leurs indemnités, y compris se payer leurs vacances ou en payer à leur famille ! C'est ce que pointe Mediapart, en prenant l'exemple du député socialiste Pascal Terrasse. L'Assemblée ne trouve rien à redire à ces pratiques, qui posent tout de même de sérieuses questions.

De l'argent public pour financer des dépenses privées. En plus de leur salaire de parlementaires, les députés ont droit à une conséquente "indemnité représentative de frais de mandat" (IRFM), versée par l’Assemblée nationale, qui s'élève à 6412 euros par mois. Elle est censée être réservée aux dépenses liées à l'exercice du mandat, mais les députés s'en servent aussi pour leurs dépenses personnelles.

Documents à l’appui, Mediapart montre ainsi comment Pascal Terrasse, député socialiste (qui fut conseiller de Hollande pendant la campagne des primaires, avec un couac), candidat à sa réélection pour un quatrième mandat et président du conseil général de l’Ardèche, a utilisé en partie son indemnité à des fins privées. Au total, les sommes qu'il a dépensées ces quatre dernières années s'élèveraient à "plus de 15000 euros, pour les seuls voyages en famille", écrit le site.

Exemple le plus récent cité par Mediapart, un voyage en Egypte : "Comme l’attestent le mail de confirmation de la réservation et l’extrait de compte IRFM montrant la dépense, Pascal Terrasse est parti avec femme et enfants en vacances en Egypte du 23 au 30 avril 2011. Montant de la dépense, via la compagnie Carlson Wagon Lits Voyages: 3398,50 euros aux frais de l’Assemblée. Pas de doute sur la nature du voyage: «Nous vous souhaitons d’agréables vacances», peut-on lire en bas du mail." Questionné par Mediapart, le député n’apporte aucune explication.

Autre exemple: le Sénégal, en août 2009. Pascal Terrasse justifie ce voyage par sa participation à un "colloque sur la coopération décentralisée" où il affirme avoir "représenté Ségolène Royal". Mais le cabinet de Royal n'a aucun souvenir d'une telle mission. En réalité, ce voyage était personnel et familial, assure Mediapart. Montant du séjour payé avec son indemnité: 2950,80 euros en billets d’avion, achetés via le site Opodo, comme le confirme un mail adressé à la compagnie pour changer des dates de billet.

Mediapart cite encore un week-end à Barcelone, en mai 2010, et l’indemnité de frais professionnels de Terrasse a aussi servi à financer des billets SNCF pour son épouse et ses deux enfants. Terrasse le justifie ainsi : "Quelquefois, elle vient avec moi et me file un coup de main. C’est toujours parce qu’il y a une nécessité." Mediapart ajoute à ces achats des dépenses quasi-quotidiennes depuis dix ans. En guise d’ultime justification, Pascal Terrasse affirme : "Il m'a été confirmé (par les services financiers de l’Assemblée) que l'IRFM est liée à ma fonction d'élu au sens large du terme."


DÉTOURNEMENT DE FONDS PUBLIC ?

Quelles dépenses l’IRFM peut-elle couvrir en réalité ? Impossible d’obtenir une réponse claire et officielle, déplore Mediapart. Sur le site de l'Assemblée, seules quelques lignes y sont consacrées, très floues : l’indemnité permet de "faire face aux diverses dépenses liées à l’exercice de leur mandat qui ne sont pas directement prises en charge ou remboursées par l’Assemblée". René Dosière, député socialiste de l’Aisne et auteur de L'Argent de l'État, résume ainsi l’esprit de cette indemnité, par ailleurs non soumise à l’impôt et échappant à tout contrôle du fisc depuis l’amendement Charasse en 2002: "Il est clair qu’au fil du temps, l’IRFM a été augmentée parce qu’on ne pouvait augmenter l’indemnité des parlementaires, c’était trop sensible. Donc certains considèrent que l’IRFM est un complément de revenu. D’ailleurs, ça a aussi été fait pour ça." Les parlementaires censés réglementer l'attribution de fonds aux élus, les questeurs ne semblent guère préoccupés par cette question, c'est certain. Ainsi, le questeur Richard Mallié, député UMP des Bouches-du-Rhône, a assuré à Mediapart qu'il faudrait embaucher trop d'agents s'il fallait vérifier l'utilisation de ces fonds. Sa réponse est édifiante : "S’il y a des députés qui... eh bien tant mieux pour eux, on va le dire comme ça. J’estime que le jeu n’en vaut pas la chandelle."

Anticor, l’association de lutte contre la corruption plaide pour en finir avec ce système. "Nous proposons un remboursement sur notes de frais", explique à Mediapart Séverine Tessier, porte-parole de la structure."S’agissant de fonds publics à destination d’un usage qui est l’exercice de la fonction de député, s’il est prouvé que l’usage est extra-professionnel, alors on pourrait être dans le détournement de fonds publics", estime l’avocat d’Anticor, Jérôme Karsenti. "Si l’association décidait de se saisir de cette question, elle pourrait tout à fait déposer plainte", ajoute-il.

Mise à jour - 16h30 : L'AFP précise que Marianne, qui consacre sa Une au même sujet, a décidé de ne pas citer le nom de Terrasse, car "son cas n'est qu'un parmi des dizaines" et qu'il "ne serait pas juste, dès lors, de le pointer du doigt plus que ses nombreux comparses".

Le député a par ailleurs vivement réagi dans un communiqué, déplorant que Mediapart "s'appuie sur des documents privés qui ont été frauduleusement remis à une journaliste" : "Sur la base de relevés bancaires personnels qui ont donc été volés, elle livre en pâture une partie de ma vie privée. Ses interprétations ambiguës constituent une forme d'accusation sans aucun fondement légal. J'ai reçu cette journaliste à sa demande et j'ai répondu à ses questions", poursuit-il. "Ceux qui me connaissent savent que je ne vis pas comme un nanti et que je n'ai jamais confondu argent public et indemnités personnelles. Je n'ai rien à me reprocher. Je suis en conformité avec la loi et cet article, malgré ses insinuations douteuses, le reconnaît dans sa conclusion."

L'association Anticor était venue dans notre émission Ligne Jaune : "L'exemplarité des élus, l'introuvable Ligne jaune".

Par la rédaction le 25/05/2012

ARRETSURIMAGES.net

 

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