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la Cagouille Enchaînée
26 mai 2012

ZONE EURO: FÉDÉRATION OU ÉCLATEMENT

Union monétaire, acte II ? « Nous vivons un moment crucial dans l'histoire de l'Union européenne » dont la crise de la dette a révélé les « faiblesses », a jugé, hier, Mario Draghi : « nous sommes désormais arrivés au point où le processus d'intégration européenne a besoin d'un saut courageux d'imagination politique pour survivre », a prévenu le président de la Banque centrale européenne (BCE) lors d’une conférence devant l'université de la Sapienza, en Italie. Avec l’aggravation de la crise grecque, plus aucun gouvernement ne nie que l’alternative est simple : soit la zone euro accélère son intégration, soit elle renonce à la monnaie unique. Cette dernière option étant jugée cataclysmique, tant sur le plan économique que géopolitique, les chefs d’État et de gouvernement de l’Union se sont engagés, mercredi soir, avec plus ou moins d’enthousiasme, dans « l’approfondissement de l’union monétaire », comme l’a annoncé Herman Van Rompuy, le président du Conseil européen, à l’issue du sommet informel qui s’est terminé au milieu de la nuit de mercredi à jeudi. Avec, en point de mire, la création d’eurobonds ou euro-obligations.

 

François Hollande, dont c’était le baptême du feu européen, a tout lieu d’être satisfait de ce Conseil. Non seulement son « pacte de croissance » - destiné à relancer l’activité et qu’il exigeait en contrepartie de la ratification, par la France, du « traité d’union budgétaire » - est passé comme une lettre à la poste, mais la mutualisation des dettes publiques, que le chef de l’État estime nécessaire pour en finir avec la crise de la zone euro, figure désormais tout en haut de l’agenda européen : « la majorité des pays s’est dite en faveur des eurobonds, même des pays qui ne sont pas dans la zone euro comme la Grande-Bretagne », a souligné Mario Monti, le président du Conseil italien. Pour Hollande, « la perspective des eurobonds » est « l’étape supplémentaire de l’intégration » : « dès lors qu’il y a une volonté de mettre en commun des politiques budgétaires, qu’il y a une politique monétaire conduite par la Banque centrale, il est légitime qu’il y ait des éléments nouveaux ».

Van Rompuy, qui a été chargé, avec les présidents de la Commission et de l’Eurogroupe, de présenter en juin prochain un rapport identifiant les étapes menant à ce saut fédéral, a précisé que les euro-obligations ne sont qu’un élément parmi d’autres : il a aussi cité une supervision bancaire « plus intégrée » ou « un schéma commun de garantie des dépôts » bancaires. François Hollande a ajouté la possibilité de permettre au Mécanisme européen de stabilité (MES) de recapitaliser directement les banques sans passer par l’intermédiaire des États, en liaison avec la BCE : « plus on coordonne, plus on centralise, meilleur est la réponse ». « Avec l’arrivée de François Hollande, une autre dynamique s’est mise en place », se réjouit-on à la Commission : « ce qui ne veut pas dire qu’on aura les obligations européennes demain : le chemin sera long et ardu ».

De fait, la chancelière allemande Angela Merkel a redit son opposition à une mutualisation rapide de tout ou partie des dettes de la zone euro comme réponse à la crise. « J’ai une autre conception » que la chancelière, a admis François Hollande qui n’a pas dissimulé les désaccords franco-allemands : « elle ne considère pas les eurobonds commune un élément de croissance, mais comme une perspective lointaine d’intégration ». Pour la France, c’est un « point de départ », pour l’Allemagne, c’est un « aboutissement », a-t-il conclu. « La chancelière estime que la première brique qui va créer de la confiance entre les États est le traité d’union budgétaire et l’instauration des règles d’or », explique un diplomate français. « Si le Président est d’accord avec cette approche, il veut que l’on identifie dès maintenant les autres briques afin de donner une visibilité sur ce que nous sommes en train de construire ». D’où la volonté française d’obtenir une « feuille de route », sorte d’équivalent du « plan Delors » qui, en 1988, a tracé les étapes menant à la monnaie unique.

« Si la chancelière comprend parfaitement l’intérêt de la mutualisation des dettes publiques, elle estime qu’il faudra instaurer préalablement un contrôle sur l’utilisation des montants ce qui signifie des mécanismes plus intrusifs dans le budget des États », analyse-t-on à Paris. « Pour le gouvernement allemand, les euro-obligations sont impossibles maintenant : il faut encore huit ou neuf étapes renforçant la gouvernance de la zone euro pour y arriver et éviter le hasard moral », reconnaît un haut fonctionnaire de la Commission. En clair, il faut s’assurer que l’on pourra éviter qu’un État fasse n’importe quoi en sachant que ses frasques seront épongées par ses partenaires.

Pour Berlin « l’union politique » de la zone euro, c’est-à-dire « l’instauration de mécanismes de prise de décisions efficaces et démocratique » comme l’explique un diplomate européen, est un préalable. « La question n’a pas encore été clairement posée ainsi, mais l’union politique est en filigrane de la discussion sur les eurobonds », reconnaît-on à l’Élysée. D’où, par exemple, les appels de Wolfgang Schäuble, le ministre des Finances allemand, en faveur de l’élection d’un « Président de l’Union » au suffrage universel. Si les marchés – et la Grèce – lui laissent le temps, la zone euro se prépare donc à effectuer un saut fédéral. La course contre la montre est engagée.

25 mai 2012

Dessin: Kroll

N.B.: Article paru ce matin dans Libération.

BRUXELLES.BLOGS.LIBERATION.fr

 

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