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la Cagouille Enchaînée
27 mai 2012

SOUVENEZ-VOUS, LA MERKOZY N'ÉTAIT PAS INNÉE

A l'heure où tout le monde s'inquiète de ne pas voir François Hollande lier la même «complicité» avec Angela Merkel que Nicolas Sarkozy, le professeur en études européennes Gilbert Casasus nous rappelle qu'il a fallu un temps avant que l'on parle de Merkozy! Une crise franco-allemande n'est donc peut-être pas à craindre.

(Angela Merkel et Nicolas Sarkozy - Michel Euler/AP/SIPA)

Les cassandres sont de retour. Chacun y va de sa propre musique et prédit la pire crise franco-allemande de l’histoire. Que les dissonances franco-allemandes existent bel et bien, nul ne peut en douter. Que François Hollande n’ait pas la même relation avec Angela Merkel que celle que la chancelière entretenait avec Nicolas Sarkozy, n’a rien de surprenant. Les enjeux sont devenus différents et les rapports de forces aussi. Toutefois, il ne faudrait pas avoir la mémoire trop courte. Le couple Merkozy n’a vraiment existé que depuis deux ou trois ans, à l’heure où l’ancien Président de la République a privilégié le suivisme au profit de sa partenaire allemande. Aurait-on oublié ici les critiques de Berlin contre le « gouvernement économique » proposé par Paris lors de la présidence française de l’Union européenne durant le second semestre de 2008 ? N’a-t-on plus souvenir de l’attitude de Merkel qui voulait à tout prix torpiller « l’Union pour la Méditerranée », si chère à Nicolas Sarkozy ? De fait, les fausses notes franco-allemandes se sont toujours fait entendre depuis près de cinquante ans. Ce n’est ni dramatique, ni catastrophique en soi. Et parfois, plus salutaire qu’on le croit.

La relation franco-allemande n’a que trop vécu sur « un devoir d’amitié », parfois plus artificiel que réel. Si l’exemplarité de la relation franco-allemande demeure essentielle pour l’avenir de l’Europe, elle ne saurait se faire que sur un pied d’égalité. Et ce ne fut pas toujours le cas ces dernières années. Arborant une attitude européenne volontairement sélective, la chancelière n’a plus la même approche de l’Europe que celle qu’en avaient ses prédécesseurs. Dotée d’un esprit dichotomique, elle distingue les pays pro-allemands de ceux qui ne le sont pas. Ne trouvent alors grâce à ses yeux que les États de l’Union européenne qui soutiennent son modèle et suivent sa politique. Ainsi a-t-elle réussi à convaincre Nicolas Sarkozy qui, pour sauvegarder la prédominance du tandem franco-allemand, a subi le tempo dicté par Berlin.

Historiquement, Angela Merkel s’inscrit dans la tradition de cette CDU qui s’est opposée, en son temps, au « traité de l’Élysée ». A peine signé le 22 janvier 1963, celui-ci fut remis en cause par une majorité de députés du Bundestag lors de sa ratification. Avec l’appui du SPD de l’époque, la majorité des parlementaires votait alors un préambule pro-américain et pro-atlantique. Déçu et courroucé par l’attitude allemande, le Général de Gaulle ne manqua pas de souligner que : « les traités sont comme les roses et les jeunes filles, ils ne durent qu'un matin ». De cordialité, il n’en fut aussi guère question entre Pompidou et Willy Brandt, le premier s’inquiétant de l’Ostpolitik mise en œuvre par le second. Guère plus aimables étaient également les relations entre François Mitterrand et Helmut Schmidt dans les années 1981-82. Quant aux désaccords franco-allemands entre Jacques Chirac et Gerhard Schröder, ils étaient fort nombreux jusqu’en 2002, à l’image des affrontements qui ont opposé les deux hommes lors de l’adoption du calamiteux « traité de Nice » en décembre 2000.

Comme pour toute bonne politique, la relation franco-allemande a besoin de temps. Elle s’inscrit dans la longue durée et ne peut être jugée à la suite d’un événement ponctuel. Néanmoins, plus que ce n’était le cas par le passé, une certaine prudence est aujourd’hui de mise. Face à l’intransigeance de la chancelière, François Hollande n’a aucune raison de copier le manichéisme de son homologue allemande. Il ne doit pas devenir le porte-parole des pays du Sud, comme Angela Merkel désire être celle des pays du Nord. Parce que la France est les deux à la fois, son Président peut endosser le rôle charnière qui lui revient. A la tête d’une grande puissance politique et économique, en cela proche du Nord, et d’un État ouvert sur la Méditerranée et l’Afrique, en cela proche du Sud, François Hollande incarne aussi bien les intérêts de l’Europe septentrionale que ceux de l’Europe méridionale.

Ayant réussi ses premiers pas en politique étrangère, profitant d’un état de grâce sur la scène internationale que peu d’observateurs lui avaient présagé, le Président de la République se trouve dans une position avantageuse pour défendre ses idées de croissance et de relance. A contre-courant d’une politique de rigueur qui, non seulement à l’exemple de la Grèce a montré ses propres limites, et soutenu par d’autres acteurs politiques et institutionnels, dont l’OCDE, François Hollande ne peut que bénéficier de cette « window of opportunity » que les événements récents lui ont conférée. A lui d’en faire bon usage. Quitte à assumer pleinement un conflit ouvert avec l’Allemagne d’Angela Merkel, la relation franco-allemande ayant survécu à bien d’autres crises durant son histoire.

Dimanche 27 Mai 2012 à 16:00

MARIANNE2.fr

 

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