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la Cagouille Enchaînée
26 juin 2012

CLAUDE BARTOLONE, L'ÉMANCIPÉ AU «PERCHOIR»

Claude Bartolone, le 19 juin 2012 à l'Assemblée nationale. (Reuters)

Portrait Sorti de l’ombre de Laurent Fabius, l'ancienne gâchette Claude Bartolone a été élu président de l’Assemblée nationale.

Par JONATHAN BOUCHET-PETERSEN

Convivial. Même à droite, l’adjectif revient sans cesse pour décrire Claude Bartolone. Un mot, et souvent un bon, pour les uns, une tape dans le dos pour les autres, ce Méditerranéen de cœur natif de Tunis a été élu mardi successeur socialiste du très peu volubile UMP Bernard Accoyer à la présidence de l’Assemblée nationale. «Je connais Claude Bartolone depuis longtemps, il a tout ce qu’il faut pour présider l’institution», a sportivement déclaré le sortant. Elu député de Seine-Saint-Denis grâce à la vague rose de 1981, à seulement 29 ans, Bartolone a depuis été réélu à chaque élection législative. Une ancienneté qui lui a permis de tisser des liens multiples et variés dans l’hémicycle. «Je me suis toujours bien entendu avec la majorité quand j’étais dans l’opposition, et inversement», affirmait-il jeudi dernier peu après son élection comme candidat du groupe PS au «perchoir». Une désignation décisive puisque les socialistes disposent de la majorité absolue à l’Assemblée.

En devenant à 60 ans le quatrième personnage de l’Etat, Bartolone accède aux premiers rôles, après un parcours politique dans le sillage, et à l’ombre, de Laurent Fabius. Depuis le milieu des années 1980, dans l’euphorie de la mitterrandie triomphante, le premier a lié son sort au second pour former un redoutable duo. Pendant près de vingt-cinq ans, quand Bartolone parlait, c’est Fabius que tout le monde entendait, l’un se chargeant de la castagne, des phrases assassines et des négociations d’appareil, quand l’autre accumulait les honneurs et entretenait l’idée qu’un destin national lui était promis. Pendant toutes ces années, le Marco Polo, le restaurant italien du frère de Claude Bartolone, René, a accueilli nombre des conciliabules de la fabiusie à la manœuvre.

Reconnu pour lui-même

Fils d’un père italien et d’une mère maltaise, le petit Claude a neuf ans quand il débarque de Tunisie pour s’installer cité Jean Jaurès au Pré-Saint-Gervais. Après avoir adhéré au PS en 1974, il devient adjoint au maire en 1977 puis premier édile entre 1995 et 1998. Après la victoire de la gauche aux législatives de 1997, il goûte alors pour la première fois le plaisir d’être reconnu pour lui-même en devenant ministre délégué à la Ville, sous la tutelle de Martine Aubry avec qui le courant est toujours bien passé. C’est d’ailleurs Batolone le gouailleur que la maire de Lille appelait pour se remonter le moral après la publication de La dame des 35 heures, le pamphlet de Philippe Alexandre qui la faisait enrager.

C’est encore lui qui, des années plus tard, ira la convaincre de briguer la direction du PS lors du congrès du parti à Reims en novembre 2008. Pour faire barrage à Ségolène Royal. Bartolone le fabiusien et son vieil ennemi le strauss-kahnien Cambadélis mettent sur pied, avec l’aval de leurs patrons, une coalition hétéroclite, les «reconstructeurs», pour placer Martine Aubry à la tête du PS. «Barto et moi, c’est Fouché s’appuyant sur Talleyrand», ironise alors Cambadélis, paraphrasant Chateaubriand décrivant l’alliance du «crime» et du «vice». Pari réussi, même si des accusations de fraudes sont lancées par les deux camps quand la maire de Lille devient Première secrétaire du PS. Une nouvelle direction se met en place et Bartolone pense avoir négocié au mieux la représentation des fabiusiens. C’est donc une véritable douche froide pour lui quand Fabius lui adresse de violents reproches, l’accusant en face à face de ne pas avoir défendu ses intérêts. Vingt-cinq ans d’amitié politique volent en éclat et le sanguin Bartolone tourne les talons. Pour de bon. «Ce que Laurent n’a pas supporté,c’est que Claude prenne une forme d’autonomie politique», décrypte un fabiusien historique. «Je viens de divorcer une deuxième fois», lance à l’époque un Bartolone meurtri mais libre.

«Un coup de maître»

Les prémisses de cette rupture, aussi soudaine qu’inattendue, remontent en fait à 2007, lorsque Fabius s’était exaspéré de l’enthousiasme de son ami après certains meetings enfiévrés de Ségolène Royal. Et quand, en 2008, l’ancien Premier ministre avait échoué à décourager son âme damnée de se présenter à la présidence du conseil général de Seine-Saint-Denis, arguant que la fonction lui prendrait beaucoup de temps. Et le rendrait donc moins disponible. Libéré de son encombrante tutelle, Bartolone prend alors toute sa place dans l’équipe dirigeante du PS et soutient logiquement Martine Aubry à la primaire socialiste pour la présidentielle. Avant de s’engager à 100% derrière François Hollande, avec qui le seul moment de tension connu date du référendum de 2005, quand le premier secrétaire du PS défendait le «oui» et que le dauphin de Fabius faisait la campagne du «non», en contradiction avec la ligne du parti. Une brouille qui appartient au passé.

Au moment de la constitution du gouvernement Ayrault, Bartolone qui a largement contribué en trente ans de vie politique à faire basculer le «93», historique bastion communiste, dans l’escarcelle des socialistes, est monté au créneau, «gêné» que «la Seine-Saint-Denis ne soit pas représentée». Avec la présidence de l’Assemblée nationale pour lui et celle du groupe PS pour Bruno Le Roux, élu du même département, le mal est largement réparé. Reste qu’après la victoire de Hollande, le député de Seine-Saint-Denis ne faisait pas figure de favori pour présider l’Assemblée. L’Hôtel de Lassay était promis à Ségolène Royal. Prudent, «Barto» a attendu la défaite à La Rochelle de l’ancienne candidate à la présidentielle pour sortir du bois. Une patience que n’a pas eue son collègue des Hautes-Pyrénées Jean Glavany, parti trop tôt au front contre Royal. Bartolone a même réussi à apparaître comme le candidat préféré des hollandais, après le refus de Marylise Lebranchu de quitter le gouvernement malgré l’insistance des deux têtes de l’exécutif. En lice jeudi dernier contre Jean Glavany, Elisabeth Guigou et Daniel Vaillant, le député de Seine-Saint-Denis a frôlé de trois voix la désignation dès le premier tour, avant de voir ses concurrents se désister en sa faveur. «Un coup de maître pour l’ancienne voix de son maître», reconnaît un député socialiste qui ne le soutenait pas.

26 juin 2012 à 16:27 (Mis à jour: 17:08)

LIBERATION.fr

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