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la Cagouille Enchaînée
16 août 2012

Bavardage tranquille - Carte postale de retour

(...)

Je reviens à nos échanges. Si cet espace est celui d’un dialogue il faut en respecter les rythmes. C’est pourquoi, si vous êtes de retour devant votre écran depuis quelques temps seulement, je vais me permettre de vous recommander la lecture de mes deux précédents posts. J’ai en effet investi beaucoup de temps et de soin à leur rédaction. Surtout, ce fut une occasion privilégiée d’affiner la mise en mots sur le fond des orientations que je crois nécessaire de prendre dans l’action politique mondiale de notre gauche. Je ne dis pas que ce soit une prose très facile. En me relisant je vois bien combien j’ai eu le clavier et la plume un peu laborieux. Décalage horaire ? Matériau encore trop brut ? Quoiqu’il en soit vous y trouverez le fil conducteur de ce que sera mon travail sur les thèmes de l’action internationale dans les prochains mois.

N’empêche ! Mes dialogues avec Ricardo Patiño le ministre des affaires étrangères du président équatorien Rafael Correa, et avec Temir Pora, le ministre des affaires européennes de Hugo Chavez m’ont bien aidé à faire le point avec eux sur ce qu’il est possible de faire en commun. C’est de cela que j’ai traité dans cette précédente note. Car il y a nécessité d’agir en commun. D’abord pour notre défense commune. Trop d’amis n’ont même pas la simple prise de conscience du fait que nous formons un tout, un ensemble perçu comme tel par nos ennemis dans nos pays respectifs et par l’empire nord-américain ! Trop n’ont pas compris que notre mouvement est d’un seul tenant même si ses formes, ses mots, ses points de passages et ses rythmes diffèrent. C’est au point qu’il me faut insister à propos de notre défense commune pour faire comprendre qu’elle est une urgence dans le contexte. Quelle défense ? Celle de nos gouvernements menacés par des coups d’état, la défense de la vérité sur notre action au pouvoir ou dans l’opposition contre les campagnes mondiales de dénigrements de l’internationale des médiacrâtes. Mais surtout pour la démultiplication de la force que nous sommes d’ors et déjà dans le monde. Comment ?

En partant des revendications communes de l’humanité dont nous sommes porteurs ! J’ai cité dans cet ordre d’esprit la question de l’eau et de sa propriété collective inaliénable ! L’eau publique, la gestion de l’eau libérée du parasitisme de l’argent et des multinationales ! Cette bataille-là, c’est à mes yeux l’équivalent de la bataille pour la journée de huit heures qui donna son sens concret à l’existence de la première internationale ! Le scandale récent révélé par « Marianne 2 » et « Médiapart » sur ce complot de la multinationale de l’eau pour contrer l’action de notre camarade Gabriel Amard et la fondation de la régie publique de l’eau des « Lacs de l’Essonne », n’est-il pas révélateur ? Ne souligne-t-elle pas l’étroite connexion entre la dimension écologiste et anti-capitaliste de notre combat et de notre projet de société ? De ce fait, la plainte que Gabriel Amard a déposée contre la multinationale pour « trafic d’influence » est une première de grande portée politique. Bien sûr je vais y revenir très bientôt, et pas qu’une fois.

Après cet épisode politique, j’ai décroché vraiment. Je n’y reviens pas vraiment ici. De mes vacances je ne dis rien pour maintenir le cloisonnement étanche de ma vie privé ! C’est une protection si difficile à tenir contre certains médias voyous, de la presse soi-disant respectable, qui s’acharnent dans les tentatives pour tenter de violer cette limite dont j’ai pourtant répété cent fois combien j’y tenais et pourquoi. Pour ma part je plaide pour un renforcement législatif de la protection des droits de la vie privé. J’estime qu’il faut alourdir les peines contre les auteurs de ces viols. J’opte aussi pour des mesures qui étendent le champ des poursuites possibles pour rendre impossible des manœuvres du type de celle dont vient de souffrir Anne Hidalgo alors même qu’elle luttait contre une rumeur sans fondement qui humiliait sa vie privée et frappait toute sa famille. C’est cet exemple, découvert à la faveur d’un accès aux « actualités » de Google, qui me pousse à écrire ces lignes. J’ai été glacé par le traitement réservé à Anne Hidalgo du seul fait qu’elle ait cherché à protéger les siens contre un mensonge.

Mais cette même lecture superficielle de ce qu’une machine comme Google décide de placer en tête de gondole de l’actualité digne d’être connue en premier abord m’a aussi donné un vrai moment de bonheur. C’est la nouvelle de l’atterrissage réussi sur la planète Mars de l’engin « Curiosity ». Déjà c’est la planète rouge : un bon début, non ? Soyons sérieux : « Curiosity » est un monstre sur roues de neuf cent kilos qui démarre un tour d’exploration de la planète qui me remplit d’enthousiasme. J’ai retrouvé, en lisant cela, l’excitation de mes très jeunes années quand commençait la conquête de l’espace. Je découpais avec ferveur les articles qui en traitaient. Je considère encore à présent que Youri Gagarine est une figure humaine emblématique aussi immense pour l’humanité toute entière que Gutenberg l’a été pour l’Europe de son temps. Je n’ai pas aimé le commentaire agressif du secrétaire d’Etat nord-américain selon lequel ce succès devrait faire réfléchir ceux qui doutent du leadership des USA dans le domaine spatial. Quel changement ! Où est le temps qui voyait le premier homme sur la lune se réclamer d’un exploit au nom de l’humanité toute entière ? Vous vous souvenez ? « Un petit pas pour moi, un grand pas pour l’humanité ». L’espace devrait être toujours ce domaine qui donne à l’humanité le moyen de se sentir telle, c’est à dire impliqué collectivement par une dépendance commune. Je sais bien que cela n’a pas empêché Neil Amstrong, ce 20 juillet 1969, de planter déjà d’ineptes drapeaux états-uniens sur la Lune, qui, paraît-il, s’y trouve toujours. Mais l’époque était pleine d’un état d’esprit audacieux. Seuls les libéraux et leurs zombies croient que le meilleur moteur de l’activité ou de l’ingéniosité humaine est la cupidité ou la comparaison des prix des marchandises. En fait ils réduisent la vie à son aspect le plus pauvre.

La véritable préoccupation des humains est de faire ce qui paraît impossible : cueillir à volonté quand on est réduit aux aléas du chasseur cueilleur, manger de la viande quand on veut quand on est dépendant de sa chasse quotidienne et ainsi de suite. C’est comme ça aussi qu’on en vient à l’agriculture et à l’élevage. Et de même, voler comme un oiseau, atteindre les étoiles, et ainsi de suite. Ce sont des rêves créateurs. De l’activité pour rendre réels ces rêves d’humains naissent des milliers d’inventions concrètes dont l’usage se répand dans d’innombrables domaines. Et alors autant de limites apparaissent. Alors autant de nouveaux rêves surgissent. J’écris tout cela pour insister sur cette idée que notre capacité d’initiative est ancrée dans notre imaginaire poétique, non comme une négation de la réalité mais comme une réponse aux limites qu’elle croit pouvoir nous assigner. J’ai écrit « poétique » parce que le mot veut dire création. La poésie est dans tous les arts. Tous les arts sont par essence poétiques. En étendant l’idée un peu aux forceps, je dirais que cela vaut aussi dans l’action politique qui est un art de réalisation. Et même, là peut-être davantage qu’ailleurs.

Par exemple, le Front de Gauche est une invention destinée à nous aider à franchir nos limites. Celles qu’avaient assigné à notre gauche le goût des routines, l’intériorisation de la claustration minoritaire, le sectarisme, le réflexe des querelles byzantines et des batailles de textes prophétiques, la fascination pour les jeux de billards à trois bandes, les sordides querelles d’égo habillées en chocs théoriques. Tout cela était la gangue qui empêchait que déferle la formidable énergie que notre mouvance contient. Et le Front reste la machine adéquate aussi longtemps qu’il respecte cet objectif. Sinon : retour à la case départ. Mais la vie, elle, continuera. Et cela parce que le Front de Gauche n’est pas une fin en soi. La situation écologique et sociale appelle une réponse aux limites qu’elles semblent assigner au futur de l’humanité toute entière. L’objectif est d’appliquer celle que nous avons élaborée dans nos combats, de mettre en œuvre notre projet pour l’avenir. La révolution citoyenne comme sortie de crise. Voilà la tâche. Les poètes auront toujours le dernier mot.

15 août 2012

JEAN-LUC-MELENCHON

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