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la Cagouille Enchaînée
20 septembre 2012

Le traité d'union budgétaire ou l'esprit des lois maastrichiennes

Le Conseil des ministres français a adopté aujourd'hui le projet de loi de ratification du traité d'union budgétaire et le projet de loi organique transcrivant en droit français la "règle d'or" budgétaire qui contraindra davantage les finances publiques. Voici un rappel de l'histoire de ce traité, le débat politique français ayant, encore une fois, un temps de retard...

Le traité « sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’union économique et monétaire » (TSCG de son petit nom), signé le 2 mars dernier à Bruxelles, est le pur produit de la volonté allemande que la zone euro renouvelle solennellement les engagements budgétaires et économiques contenus dans le traité de Maastricht de 1992 (déficit public au maximum de 3 % du PIB, dette publique au maximum de 60 % du PIB). Car, sur le fond, le TSCG n’ajoute presque rien à la profonde réforme du Pacte de stabilité et de croissance votée par le Parlement européen le 28 septembre 2011 (la gauche européenne, dont le PS français, s’est en partie abstenue) et entrée en vigueur en décembre. 

C’est cet ensemble de six textes (cinq règlements et une directive), connu sous le nom de « six pack », qui sera bientôt suivi de deux autres textes (le « two pack »), dont l’un prévoit l’introduction d’une « règle d’or » dans la législation des États de la zone euro, qui ont considérablement durci la discipline budgétaire et économique au sein de la zone euro. Cette réforme du Pacte a doté la Commission de larges pouvoirs, y compris celui de proposer des amendements aux budgets nationaux en « déficit excessif », imposé l’équilibre des finances publiques à « moyen terme », rendu les sanctions financières quasi automatiques ou encore prévu que les politiques budgétaires et économiques seront arrêtées en amont et en commun à Bruxelles. En bref, il s’agit de faire respecter les tables de la loi maastrichienne en installant des radars automatiques.

Néanmoins, la chancelière allemande, Angela Merkel, a jugé que ces réformes étaient insuffisantes. Sans doute à raison : en effet, le Pacte de stabilité peut être modifié à la majorité qualifiée des États, ce qui le fragilise. Ainsi, en 2003, l’Allemagne de Gerhard Schröder et la France de Jacques Chirac avaient réussi à réunir une majorité d’États membres pour bloquer les « avertissements » pour déficit excessif que voulait leur adresser la Commission et, en 2005, ils avaient obtenu une réforme du Pacte le vidant de sa substance. Instruit par ce précédent, qui explique en partie la crise actuelle, Berlin a donc souhaité, à l’automne 2011, que la réforme du Pacte soit inscrite dans les traités afin de la verrouiller par la règle de l’unanimité.

Nicolas Sarkozy, alors président de la République, ne se montre guère enthousiaste, d’autant qu’il a bataillé contre le « six pack » jugé trop rigoureux. Mais, l’Allemagne fait de la réforme des traités une condition sine qua non de sa solidarité financière, indispensable pour stabiliser la zone euro. Merkel souhaite aller très loin, notamment en donnant à la Cour de justice européenne (CJE) le pouvoir de sanctionner un État qui ne respecterait pas ses engagements budgétaires.

Lors du Conseil européen des 26 et 27 octobre, Berlin marque des points : il paraît alors acquis qu’un nouveau traité renforçant la discipline budgétaire sera négocié à terme. Déjà, les gouvernements s’engagent à intégrer le Pacte de stabilité (et donc la règle d’or) dans leur législation avant la fin de l’année. Angela Merkel pousse son avantage durant le mois de novembre. Sarkozy flanche et la lettre franco-allemande du 7 décembre appelle les Européens à ouvrir le chantier d’un nouveau traité, ce qui sera acté par le Sommet des 8 et 9 décembre.

Mais les espoirs allemands de graver dans de l’acier trempé les engagements maastrichiens se heurtent à la Grande-Bretagne. Le premier ministre David Cameron, soumis à la pression de ses eurosceptiques, exige, pour prix de son accord, le rapatriement de certaines compétences communautaires, en particulier la législation financière. Inacceptable pour ses partenaires : ce sera donc un traité ad hoc qui n’aura pas la même force contraignante qu’une modification des traités européens. La négociation du TSCG sera expresse, une première dans l’histoire européenne. Le 20 janvier, après trois réunions, le texte est bouclé. Il sera signé le 2 mars à Bruxelles, sans la Grande-Bretagne et la Tchéquie, qui s’est finalement ravisée.

Contrairement aux espoirs allemands, le rôle de la CJE est limité au contrôle de la transposition de la « règle d’or » dans les droits nationaux. Pour le reste, c’est une réaffirmation politique de la réforme du Pacte de stabilité et un engagement à ne pas l’affaiblir, avec une vraie innovation : les États signataires s’engagent (c’est une convention de vote) à ne bloquer les propositions de la commission que si une majorité qualifiée d’entre eux (environ deux tiers des États) s’y opposent. Dans le « six pack », cette règle de la majorité qualifiée inversée (qui est une violation du traité de Maastricht, au passage) n’est prévue que pour le vote de la première étape des sanctions, tout le reste devant être approuvé à la majorité qualifiée des États.

Alors, un « traité pour rien », selon l’expression du député écologiste Daniel Cohn-Bendit ? Juridiquement, sans doute. Mais c’était le prix à payer pour rassurer une Allemagne qui doute fortement de la fiabilité de ses partenaires.

 

P.S.: mon tchat sur le site de Libération.

Photo: Reuters

N.B.: article paru ce matin dans Libération  19 septembre 2012

COULISSES DE BRUXELLES

 

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