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la Cagouille Enchaînée
28 septembre 2012

La pirouette de Moscovici pour limiter l’impôt de «neuf Français sur dix»

Intox

On connaissait le «un sur deux», cette règle sarkozyste correspondant au non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Voilà désormais le «neuf sur dix». C’est le nouvel élément de langage de la majorité, qui traduit le fait que neuf Français sur dix ne seront pas impactés par les hausses d’impôts du budget 2013, présenté hier. C’est Jean-Marc Ayrault qui a sorti le chiffre jeudi soir sur France 2 : «Neuf foyers fiscaux sur dix ne seront pas concernés par les mesures fiscales nouvelles que nous présenterons demain.» Le lendemain, le ministre de l’Economie et des Finances, Pierre Moscovici, pousse la formule un peu plus loin : «Je vais vous donner un chiffre qui illustre la réalité : quand on parle de l’impôt sur le revenu, il y a neuf Français sur dix, je dis bien neuf Français sur dix, qui verront leur impôt sur le revenu soit baisser, soit rester stable, et ça, c’est fondamental.»

Désintox

Commençons par le principal : les auditeurs ayant compris que l’année prochaine, neuf contribuables sur dix vont voir leur impôt sur le revenu baisser ou rester stable… ont mal compris. A moins qu’ils n’aient été légèrement trompés. Explication d’un petit tour de passe-passe. Si on se borne aux seules mesures présentées hier au titre de l’impôt sur le revenu, il est exact qu’elles ciblent les riches. C’est le cas de la tranche à 45 % (au-delà de 150 000 euros), des 75 % (au-delà de 1 million d’euros), du plafonnement du bénéfice du quotient familial ou encore de l’imposition des revenus du capital au barème de l’impôt sur le revenu. Le gain de ces annonces est chiffré à 3,5 milliards d’euros. Qui reposeront sur environ 10 % des foyers fiscaux… Voilà qui explique la présentation d’Ayrault et Moscovici. Sauf que les deux sont très discrets sur le fait qu’une autre mesure va venir impacter l’impôt sur le revenu des Français l’année prochaine : c’est le gel du barème, qui ne figure pas dans le projet de loi de finances. Et pour cause, c’est François Fillon qui l’a fait voter. En 2011, Fillon annonce dans le cadre de son plan de rigueur le gel du barème pour 2012 et 2013. Normalement, les seuils des différentes tranches de l’impôt sur le revenu évoluent au rythme de l’inflation, afin que les salariés dont les revenus progressent selon la hausse des prix n’aient pas à payer d’impôt en plus. Avec le gel du barème, un contribuable dont les revenus ont augmenté, même seulement du fait de l’inflation, voit une partie de ses revenus passer la tranche supérieure, et paye donc davantage. Gain pour l’Etat : 1,7 milliard de plus chaque année. Pour le contribuable, c’est une hausse de l’impôt sur le revenu allant de 1 % jusqu’à 10 % dans certains cas. Lors de la campagne, Hollande s’emballe contre cette mesure «injuste». Et promet de l’abroger. Mais voilà, vue la difficulté de l’équation budgétaire, il est vite contraint à un revirement. Le 9 septembre, il annonce donc le maintien du gel. Pour faire passer la pilule, le Président annonce un système de décote, destiné à protéger les plus modestes contre les effets du gel. On en connaît les détails depuis hier : sur les 17 millions de foyers fiscaux qui payent l’impôt sur le revenu, 7,4 millions de foyers fiscaux - dont l’imposition brute est inférieure à 960 euros - bénéficieront de cette décote qui neutralisera ou atténuera les effets du gel. Au ministère du Budget, on affirme que la décote permettra d’annuler totalement l’effet du gel pour une moitié seulement des 7,4 millions de foyers fiscaux concernés. Pour l’autre moitié, la hausse ne sera que «limitée». La même source reconnaît aussi que les 10 millions de foyers fiscaux aujourd’hui assujettis à l’impôt sur le revenu et qui ne bénéficieront pas de la décote, verront eux leur impôt augmenter mécaniquement du fait du gel du barème. Au total, plus de 13 millions de foyers fiscaux verront donc leurs impôts sur le revenu progresser pour l’année 2013. Cela, ni Ayrault, ni Moscovici n’en parlent. Un membre d’un cabinet ministériel tente de justifier ce silence pudique : «Le gel du barème a été décidé en 2011. L’augmentation de l’impôt qu’il entraîne n’est pas le fait des mesures prises dans le budget 2013.» C’est vrai. Elle est le fait de la décision de Hollande de ne pas revenir sur le gel du barème, comme il l’avait promis. Et pour les Français, cela ne change rien au fait que les trois quarts des foyers fiscaux qui payent l’impôt sur le revenu le verront augmenter en 2013. Loin d’un sur dix.

«Je vais quand même vous donner un chiffre : quand on parle de l’impôt sur le revenu, il y a neuf Français sur dix, je dis bien neuf Français sur dix, qui verront leur impôt sur le revenu soit baisser, soit rester stable, et ça, c’est fondamental.»

Par CÉDRIC MATHIOT - 28 septembre 2012 à 21:56

LIBERATION.fr

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