Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
la Cagouille Enchaînée
12 décembre 2012

Rédaction sur le suicide à Montmoreau: "Que le prof ne serve pas de fusible" [+vidéo]

Les élèves de troisième du collège de Montmoreau ont eu à plancher sur une drôle de rédaction. Ils devaient se glisser dans la peau d'un adolescent au bord du suicide. Les réactions se multiplient

Dessin Goubelle

C’est une double question sur laquelle on n’a pas assez insisté. Pourquoi cette révélation si tardive? Pourquoi cette lettre anonyme? Ce courrier par qui le scandale est arrivé n’est peut-être pas tant le coup fourré soupçonné par certains parents que l’expression malhabile d’une crainte. Pour Alain Héraud, le secrétaire départemental du Snes-FSU qui soutient l’enseignant, «ce n’est sans doute pas un hasard si on sort cette histoire maintenant, alors qu’il y a eu deux suicides au Lycée de l’image et du son d’Angoulême».

«Surtout quand on sait que le collège de Montmoreau est dans sa zone de recrutement. Il ne faudrait pas que ce prof serve de fusible à une problématique qui, forcément, secoue.» Entouré par ses proches et son syndicat, soutenu moralement par les parents, le jeune enseignant n’a pas prévu de s’exprimer devant les médias. «C’est maintenant une affaire entre lui et ses supérieurs. Il faut que le processus suive son cheminement», souligne son défenseur. Pour autant, le représentant syndical ne voudrait pas qu’on oublie «une question de fond». «Celle de la situation des contractuels, placés devant une classe avec moins de préparation que les autres: ni formation initiale, ni tuteur et pratiquement aucun accès à la formation continue. Il y a urgence à regarder la vérité en face, plutôt que de crier haro sur le baudet!»

De leur côté, les parents réclament toujours le "retour immédiat" de l'enseignant et en appellent à l'apaisement.

Plus d'infos dans l'édition papier de ce mercredi.

Mardi, 17h45. Le SNES-FSU réagit à son tour à l’affaire de la rédaction du collège de Montmoreau. Ce mardi après-midi, il vient de publier un communiqué. Sans vraiment prendre position dans le débat, le syndicat rappelle l’excellente réputation de l’enseignant au sein du collège où il enseigne depuis trois ans. Avant d’insister sur l’importance de la formation pour les contractuels:

Voici le communiqué:

"Il appartient à notre jeune collègue d’expliquer comment le cheminement de son cours et les illustrations développées ont abouti à la rédaction par un groupe d’élèves d’un sujet sur le suicide.

Les récents suicides de deux élèves du lycée de rattachement ont légitimement renforcé les angoisses des parents et des personnels dans les communautés scolaires, mais cela n’explique pas tout.

La lettre anonyme et la déferlante médiatique sont révélateurs de bien plus que le contenu du cours. L’envoi de ce courrier suppose une absence de dialogue entre la famille et l’établissement.

Le chef d’établissement, absent pour raison médicale pendant deux mois, n’a pu jouer ce rôle. L’établissement n’a reçu aucun moyen supplémentaire en personnel.

Dans ce collège, un jeune contractuel de formation philosophique s’exerce, seul, au métier d’enseignant de lettres classiques. Dès sa prise de fonction, il y a trois ans, l’inspectrice de lettres a pourtant validé sa candidature lors d’une visite en classe. Son rayonnement dans la communauté scolaire et les bons résultats de ses élèves au brevet, l’an passé, ont conduit le chef d’établissement à demander son renouvellement, allant même jusqu’à formuler la demande en conseil d’administration de la création d’un poste spécifique pour espérer son maintien dans l’établissement.

A cette rentrée, il lui a été confié l’enseignement du français dans les deux classes de troisième du collège ainsi qu’une quatrième dont il est professeur principal. Il assure également l’enseignement du latin au collège.

Alors c’est la question de la carence en formation des nouveaux enseignants, en particulier contractuels, qui se pose. Au Snes-Fsu, nous dénonçons la situation des lauréats du concours lors de leur année de stage, mais celle des contractuels trop peu médiatisée est encore pire: ni formation initiale, ni tuteur, pratiquement aucun accès à la formation continue. Or l’Education Nationale ne peut pas fonctionner sans eux aujourd’hui.

Alors il y a urgence à regarder la vérité en face, plutôt que de crier haro sur le baudet ! La décision de suspendre notre collègue, à titre conservatoire et par mesure de protection, a été prise. Il eut été préférable que l’intéressé en soit informé avant les médias. Mais ce retrait pour calmer la horde ne doit pas évincer la problématique qu’elle soit de la formation de tous les personnels ou celle de la prévention du suicide chez les adolescents."

13h. Des associations de parents d'élèves de Montmoreau ont réclamé mardi dans un communiqué le "retour immédiat à son poste" de l'enseignant de collège suspendu lundi, après avoir demandé à ses élèves de 3e d'écrire une rédaction en se mettant dans la peau d'un jeune suicidaire, exercice qui a suscité un fort émoi à l'échelle nationale.

Dans un communiqué transmis à l'AFP, "les associations de parents d'élèves réunies", FCPE et Amicale des parents d'élèves, qui ont tenu lundi soir une réunion exceptionnelle, disent "soutenir totalement le professeur de français incriminé", déplorent un déferlement médiatique "démesuré et inadapté", et soulignent qu'élèves comme parents "sont attachés (à) et apprécient les qualités de ce professeur".

"Nous souhaitons son retour immédiat à son poste pour le bien de nos enfants", pose le communiqué.

Dans leur communiqué, les associations de parents qui sont les deux présentes au collège de Montmoreau, soulignent mardi que "le collège a toujours été dynamique et pilote dans de nombreaux domaines" et que l'équipe "n'a de cesse de favoriser le dialogue avec les familles et l'ensemble des partenaires".

Un délégué FCPE du collège, Christophe Clément, a indiqué à l'AFP que la réunion de lundi soir entre parents d'élèves et délégués le soutien avait été "unanime" pour l'enseignant. Il a assuré que d'après le retour des enfants auprès de leurs familles, le sujet proposé en rédaction "ne les a pas choqués, car il a été bien amené par l'enseignant".

Lundi soir, le syndicat SUD-Education Charente avait apporté son "complet soutien" à l'enseignant, condamnant la décision de suspension comme une "mauvaise réponse apportée dans l'urgence à la pression d'une partie de l'opinion".

 

 

 

Hier à Montmoreau, les portes du collège sont restées obstinément fermées devant les journalistes. Dans la soirée, une réunion organisée par la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE) s'est tenue à huis clos. Dépassés et excédés par la pression médiatique, les parents ont préféré évoquer l'affaire entre eux.

Quelques minutes avant, certains soutenaient l'enseignant tout en reconnaissant que le sujet avait été abordé de façon maladroite. Pas de quoi justifier une sanction à leurs yeux. Le matin pourtant, devant les grilles, Julien Thuille, parent d'élève FCPE dans l'école voisine, avait des mots très durs sur le sujet donné aux élèves, estimant: «Ce qu'on leur a fait faire, ce n'est pas propre. On n'a plus qu'à leur demander de se mettre dans la peau de la victime d'une tournante. Je ne juge pas l'enseignant, mais je n'accepte pas l'idée qu'on ait voulu régler ça en interne. Je trouve ça très choquant.»

Le principal du collège, qui devait reprendre ses fonctions en milieu de semaine après un long arrêt maladie, est revenu dès hier pour faire face à la crise. Il a organisé une réunion à laquelle étaient conviés tous les parents concernés de même que les élèves. Hier matin, un père avouait à CL: «Les gamins sont bouleversés par cette rédaction. Ils n'ont pas aimé du tout l'attitude du prof. Mais il fallait que ça reste dans le collège.»

Dans le village, les habitants sont loin d'être scandalisés. Patrick, en train de finir son café, estime que «le prof a raison». «Ça ne sert à rien d'étouffer les problèmes de la société.» Une mère de famille lâche: «Vous pensez qu'ils parlent de quoi à la récré? Les images qu'ils voient à la télé sont bien plus violentes.» Une jeune maman ajoute: «Le suicide, ça fait partie de la vie de tous les jours. Peut-être que le prof voulait les sensibiliser.» Un adolescent est sur la même longueur d'onde: «C'est un sujet comme un autre. Ce sont des élèves de 3e, ils ont l'âge. Où est le problème?»

Lundi, 18h: Jean-Marie Renault, l'inspecteur d'Academie, vient de tenir une conférence de presse. Il a annoncé avoir rencontré ce lundi après-midi le professeur de Français du collège de Montmoreau, pour lui notifier sa suspension. L'enseignant a confirmé que l'énoncé du sujet était bien celui dévoilé ce matin dans Charente Libre, selon M. Renault qui a indiqué que "la démarche semble assez peu acceptable. L'intérêt pédagogique semble un peu confus. Le professeur n'aurait fourni aucune explication. Il sera rapidement reconvoqué par sa hierarchie.



   

13h: Ce matin, le collège de Montmoreau s'est replié à l'abri de ses grilles fermées, à la suite de la publication par CL ce matin du très controversé sujet de rédaction sur le suicide. La CPE qui tient les rênes de l'établissement en l'absence du principal fait savoir qu'elle n'a rien à déclarer. Le prof auteur du sujet du devoir n'est pas joignable. Mais Jean-Marie Renault, le directeur des services départementaux de l'éducation nationale, a fait savoir qu'il l'entendrait cet après-midi, et que l'enseignant était suspendu à titre conservatoire.

A midi, l'heure de la sortie, les élèves étaient totalement muets.

Ce soir, la FCPE, qui vient de découvrir le problème, organise une réunion à Montmoreau.
   

Pour Patrick Couquiaud, un habitant de Montmoreau, cette rédaction sur le suicide peut aussi "permettre aux ados de dire des choses sur une société qui ne va pas bien".

   


  

Le sujet a fait la Une de la plupart des journaux télé à la mi journée. Pour voir le reportage de France 2, cliquez ici. Le sujet est abordé à partir de 5'35''.

La rédaction des collégiens de Montmoreau fait polémique

"Vous venez d'avoir 18 ans. Vous avez décidé d'en finir avec la vie. Votre décision semble irrévocable. Vous décidez dans un dernier élan de livrer les raisons de votre geste. En dressant votre autoportrait, vous décrivez tout le dégoût que vous avez de vous-même. Votre texte retracera quelques événements de votre vie à l'origine de ce sentiment".

Ce sujet de rédaction (1) a été donné à deux classes de 3e du collège de Montmoreau. C'était le 22 octobre dernier. Ce sont des parents choqués, qui, anonymement, ont communiqué à Charente Libre la copie du courrier qu'ils viennent de faire parvenir au principal et à l'inspection académique. «Nous sommes révoltés que l'on puisse proposer ce genre de sujet à des enfants qui ont entre 13 et 14 ans», écrivent-ils. «De par notre éducation, nous n'avons pas l'habitude de remettre en question ce qui se passe à l'école, mais il y a des limites». Ils interrogent: «Quel va être le prochain sujet? "Que ressentez vous lorsque vous vous piquez?" On aimerait comprendre».

Pourtant, rien, ou presque, n'avait filtré, y compris au sein du collège, depuis ce drôle de devoir. C'est dont par un cri horrifié que Véronique Brice, parent d'élève au collège, réagit quand Charente Libre, ce week-end, lui lit le sujet, dont elle ignorait l'existence. Elle ne comprend pas: «A cet âge, ils sont mal dans leur peau. Nous, en tant que parents, on a tout le temps peur de passer à côté de quelque chose».

Georges Tritz, vice-président de la FCPE en Charente, ne cache pas sa stupéfaction: «Comment peut-on faire ça ? On est dans une période où les gamins ne vont pas bien. Ce qui m'effraie, c'est que personne n'a réagi». Christophe Clément, président des parents d'élèves FCPE de Montmoreau, s'insurge: «Un sujet comme ça, c'est quasiment de l'incitation !»

Un père d'élève du collège, Eric Caron, s'indigne: «C'est très inquiétant. Si les parents sont désorientés, les enfants peuvent faire n'importe quoi derrière.»

 

«On n'ose pas en parler entre nous»

Le suicide est la seconde cause de mortalité chez les jeunes.Aborder le sujet en classe est normal, estiment la plupart des parents. Le tout est de savoir comment. Un infirmier psychiatrique avance: «J'ose espérer que ça n'a pas été présenté comme ça, tout seul. On ne soulève pas des choses comme ça sans encadrement».

Les enfants eux-mêmes sont restés silencieux. «Non, on n'a pas eu l'idée d'en parler à nos parents, avoue Louis. Quand le prof nous a donné le sujet, ça nous a étonnés. On lui a posé des questions. Il n'a pas voulu répondre, et nous a dit: "C'est comme ça".»

Il n'y a pas eu de discussion sur le suicide, ni avant, ni après la rédaction, affirment les élèves. Cindy, en voyant le thème, a un peu séché. «J'ai fait comme si c'était une fille mal dans sa peau, très grosse, que tout le monde rejette, même ses parents». Le sujet ne l'a pas dérangée.

Certains parents ne voient pas grand-chose à redire. Une maman affirme: «Les enfants ont tout à fait compris, ça ne les a pas choqués». Cindy reconnaît: «Mes parents ont trouvé ça bizarre. Mais ils ont pensé que c'était dans le programme».

Une maman avoue son inquiétude: l'an dernier, une élève du collège est décédée à la suite d'une maladie. «Les enfants ont été confrontés à la mort d'un jeune de leur âge. J'ai dû faire suivre ma fille par un psy».

Le fils de Béatrice Goupilleau s'est fait prier pour lui laisser lire son devoir, mal à l'aise. A côté de la note, ce commentaire: «Pas assez précis». «Encore heureux !» s'exclame la mère, qui tombe des nues.

Hélène Ferrari, parent d'élèves, n'a entendu parler de l'affaire que très récemment. Elle défend l'enseignant: «C'est un très bon prof, quelqu'un qui paraît très équilibré, qui tire les élèves vers le haut». Elle ignorait que l'un de ses enfants avait planché sur le sujet.

Une réunion a été organisée il y a quelques jours entre quelques parents et le prof concerné, qui a répondu à leurs questions. «Le collège (2) a estimé que les réponses étaient satisfaisantes».

(1) L'enseignant concerné, malgré nos efforts et nos démarches auprès du principal du collège, est resté injoignable.

(2) En l'absence du principal du collège, en arrêt maladie, c'est la conseillère principale d'éducation qui dirige l'établissement.

>>>> Education nationale: "Ne pas laisser passer ça"

Jean-Marie Renault, le directeur des services départementaux de l'éducation nationale, a demandé à ses services de tirer les choses au clair, au plus vite, à propos de cette rédaction si particulière donnée aux 3e de Montmoreau.

«Si les faits sont avérés, je verrai quelles suites il faut donner. Je ne peux pas laisser passer ça. Oui, ça peut relever d'une sanction. Il va falloir que l'enseignant s'explique sur ses intentions. Le libellé est plus que choquant».

L'inspecteur a dû faire face à un début d'année dramatique au Lisa, avec le suicide de deux jeunes garçons, élèves de seconde, qui ont mis fin à leur jour chez eux, l'un début octobre, l'autre fin novembre. «Nous avons apporté un soutien immédiat aux élèves, nous avons mis en place une cellule d'écoute auprès des adolescents et du personnel, qui a fonctionné toute la semaine. S'il le faut on prolongera ce dispositif», explique Jean-Marie Renault, «C'est la première fois en Charente que deux drames se produisent dans un même établissement de façon si rapprochée».

Un établissement qui a mis le plus grand soin à cacher les faits, alors que Facebook se faisait l'écho de l'émotion de tous.

Autre tragédie, vécue cette fois dans la Vienne: une jeune élève d'un lycée poitevin a mis fin à ses jours il y a quelques semaines en se jetant du toit d'un parking du centre-ville.

10 Décembre 2012 | 04h00 - Mis à jour12 Décembre 2012 | 10h40

CHARENTELIBRE.fr

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité