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la Cagouille Enchaînée
9 janvier 2013

Des journalistes chinois défient la censure

Ils dénoncent les coups de ciseaux de la nouvelle équipe dirigeante chinoise qui augurent mal de sa réelle volonté d'ouverture. Lundi une manifestation de soutien a rassemblé des centaines de personnes.

C'est le premier affrontement de l'année, entre la société civile chinoise et les nouveaux maîtres de Pékin. Le Web chinois se passionne et s'enflamme pour la fronde inédite d'un groupe de journalistes contre la censure. L'affaire a été déclenchée par la publication du traditionnel éditorial de début d'année de l'hebdomadaire Nanfang Zhoumo (Southern Weekend), l'une des publications les plus libérales du pays. La version originale appelait à des réformes politiques, évoquant le «rêve du constitutionnalisme» en Chine, pour que les droits des citoyens soient enfin protégés. Or, le texte publié s'est avéré très édulcoré, apparemment victime des coups de ciseaux des cerbères de la propagande. Mais l'original a été diffusé largement sur Internet, relayé sur Weibo - le Twitter chinois - par des millions d'internautes.

Une soixantaine de journalistes de l'hebdomadaire ont immédiatement réagi, dénonçant publiquement les coupes et changements effectués à la dernière minute à leur insu. Quelque 35 anciens reporters du journal sont même allés plus loin, en demandant la démission du chef de la propagande de la province du Guangdong, Tuo Zhen, tenu pour responsable du rabotage. Ce dernier, nommé l'an dernier, semble avoir pour mission de mettre au pas le groupe Nanfang, qui pousse depuis longtemps les limites de la liberté de la presse. Habilement, les journalistes font valoir qu'une presse non muselée est dans l'intérêt du Parti lui-même. «Si les médias n'ont aucune crédibilité et influence, alors, comment le parti au pouvoir peut-il faire entendre sa voix et convaincre son peuple?» écrivent-ils. Ce bras de fer s'est imposé en tête des sujets discutés sur Internet. Des groupes d'avocats ou d'étudiants y ont affiché leur soutien.

Lundi, des centaines de personnes se sont rassemblées à Canton devant les bureaux de l'hebdomadaire, dans une rare manifestation de défense de la liberté d'expression en Chine. Sur leur banderole, elles avaient écrit: «Nous voulons la liberté de la presse, le respect de la Constitution et la démocratie.»

Une «mascarade»

L'affaire avait rebondi dimanche soir, quand l'hebdomadaire a publié sur son compte Weibo un communiqué démentant les rumeurs de censure circulant sur Internet et exonérant le bureau de la propagande. La direction présente ainsi ses excuses pour des erreurs lui incombant et mises sur le compte de la «précipitation et de la négligence». Loin de baisser la garde, les journalistes ont immédiatement réagi en dénonçant des excuses faites sous la pression des autorités. Et les internautes s'insurgent en immense majorité contre cette «mascarade qui ne trompe personne».

Toujours en ce début d'année, les autorités ont fermé le site Internet d'une revue réformiste réputée, Yanhuang Chunqiu, dans laquelle écrivent beaucoup d'anciens hauts cadres du Parti à la retraite. Le couperet est apparemment tombé, «pour des raisons administratives», après la publication d'un article appelant à une transformation du modèle politique de la Chine. Les observateurs font remarquer que ces deux tours de vis augurent mal de la réelle volonté d'ouverture de la nouvelle équipe dirigeante chinoise, malgré l'image qu'elle semblait vouloir afficher.

Correspondant à Pékin

LEFIGARO.fr

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