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la Cagouille Enchaînée
22 juillet 2011

SÉCURITÉ SOCIALE ET MÉDECINS S'ENGAGENT

06h00 | Mis à jour 07h54 - Par Hélène Rouquette-Valeins

Signée dans la nuit de mercredi à jeudi, entre Assurance-maladie et syndicats de médecins, elle vise notamment à encadrer les dépassements d'honoraires.

Pour l'instant, la prime à la performance est réservée aux 45 000 généralistes

«Quand il s'agit de parler de la rémunération des médecins, on ne veut pas nous inviter, sous prétexte qu'il s'agit d'une profession particulière. Mais on oublie que les médecins sont payés avec de l'argent public. » Christian Faout, président du Collectif interassociatif sur la santé (CISS), n'est guère flatteur pour le protocole d'accord que l'Assurance-maladie vient de signer avec trois des cinq syndicats de médecins (CSMF, SML et MG France). D'autant qu'il annonce à grands sons de trompe la création d'un nouveau type de rémunération : les primes à la performance (lire ci-dessous). « Une fois de plus, souligne Solange Ménival, chargée de la santé au Conseil régional d'Aquitaine, on est en train de soigner les symptômes et non de prendre les problèmes à la racine. »

Quant à Bernard Teper, responsable du secteur santé protection sociale de l'Union des familles laïques (Ufal), il évoque « une rustine de plus ». Pourtant, Xavier Bertrand, le ministre de la Santé, parle d'une « avancée majeure pour les patients, la santé publique, l'accès aux soins, la revalorisation de la médecine de proximité ».

Interview d'Etienne Caniard, président de la Mutualité

« Sud Ouest ». Pourquoi n'avez-vous pas encore signé l'accord Assurance-maladie/médecins acté dans la nuit d'hier ?

Étienne Caniard. Parce que nous le prenons très au sérieux et que nous pensons que la création d'un secteur optionnel peut mettre fin aux dépassements d'honoraires anarchiques. Notre préoccupation n'est pas seulement la rémunération des médecins, mais surtout un meilleur accès de tous aux soins. Or, pour l'instant, nous manquons de précisions et de données suffisantes pour nous engager en toute connaissance de cause. C'est pourquoi il nous faut un peu de temps (jusqu'en septembre) pour les rassembler.

De quelles données souhaitez-vous disposer ?

Il nous faut des données précises sur la répartition des médecins et les honoraires pratiqués. Il faut mettre fin à l'opacité qui maintient le malade dans l'ignorance de ce qu'il va payer et comment il sera remboursé.

Vous n'êtes pas opposé à la création de ce secteur optionnel ?

Nous y sommes très favorables dès lors que ce sont les médecins du secteur 2 qui vont s'y diriger. Sinon, ce sera un échec car cela n'améliorera pas l'accès aux soins.

Que répondez-vous à ceux qui vous reprochent de vouloir participer à la marchandisation de la santé ?

Nous sommes un assureur un peu paradoxal qui ne cherche pas à étendre son activité. Nous souhaitons à la fois une régulation du système de santé et le maintien des règles de solidarité.

Le nouveau système de rémunération imaginé lors de cette ultime séance de négociation lie Assurance-maladie et médecins pour cinq ans. Il est censé permettre de réguler des dépassements d'honoraires, qui ont représenté 2,5 millions d'euros en 2010, dont 2,1 millions imputables aux seuls spécialistes.

Création d'un secteur

Selon l'Assurance-maladie, le dépassement pratiqué en moyenne par les spécialistes représentait 23 % du tarif sécu en 1985. Il en représente désormais 54 %. De plus, les jeunes médecins se détournent du secteur 1, qui pratique des honoraires conventionnés et donc remboursés par la Sécurité sociale, pour se tourner vers le secteur 2 aux honoraires libres. Certaines spécialités ne s'exercent d'ailleurs plus qu'en secteur 2 (lire « Sud Ouest » du 20 juillet).

Reste que derrière les discussions auxquelles ont participé des membres de l'Unocam (représentant des complémentaires santé, mutuelles, assurances et instituts de prévoyance) qui n'ont pas encore signé le protocole d'accord, se profile la demande récurrente de la création d'un troisième secteur : l'optionnel.

L'UFC-Que choisir a dit dès le début de cette semaine tout le mal qu'elle pensait du projet (lire « Sud Ouest » du 20 juillet). Bernard Teper, au nom de l'Ufal, n'a pas un autre discours. « Nous sommes dans un système libéral, avance-t-il, où la santé est de plus en plus soumise aux lois du marché. » Et d'avancer la volonté de la plupart des acteurs - y compris, pour lui, la Mutualité -, de « grignoter la Sécu parce qu'il y a beaucoup d'argent », mais de le faire « par petites étapes et en le masquant. Par exemple en assurant que les très pauvres pourront toujours être soignés. »

Pour lui comme pour Mathieu Escot, de Que choisir, la création d'un secteur optionnel ne sera jamais que « la légalisation des dépassements ». Signé en octobre 2009, le protocole d'accord sur le secteur optionnel n'a jamais été mis en œuvre. Le texte entérine la création d'un secteur ouvert aux chirurgiens, gynécologues-obstétriciens et anesthésistes, qui pourraient pratiquer des dépassements d'honoraires atteignant 50 % du tarif de base à condition qu'ils s'engagent à réaliser 30 % de leurs actes au tarif conventionnel. En contrepartie, l'Assurance-maladie prendrait en charge une partie des cotisations sociales des praticiens et pourrait accepter de revaloriser le montant du tarif conventionné. L'Assurance-maladie acquitte directement les deux tiers des cotisations sociales (retraite) des médecins en secteur 1. Parce qu'ils ont accepté d'entrer dans le secteur conventionné. Solange Ménival, elle, souhaiterait que l'on se penche sur le fond du problème : la médecine n'est plus adaptée à l'époque, qui voit vieillir la population, augmenter les maladies longues et chroniques. Elle souhaiterait également que le rôle pivot du généraliste soit renforcé dans une équipe pluridisciplinaire. Et ce n'est pas seulement une question d'argent.

Une forme de rémunération à la performance

La nouvelle forme de rémunération à la performance complète le paiement à l'acte. Elle s'appuie sur une trentaine d'objectifs à remplir, déterminés par la Sécurité sociale. Pour l'instant, elle est réservée aux 45 000 généralistes. Mais il est question de l'étendre par la suite à des spécialistes, comme les cardiologues.

Parmi les indicateurs choisis, certains concernent l'organisation du cabinet médical, comme l'informatisation ou la tenue du dossier médical informatisé. D'autres, le suivi des patients atteints d'affections chroniques, le diabète en particulier, ou les actes de prévention comme le dépistage de certains cancers ou le suivi des vaccinations. Les médecins doivent aussi prescrire certains médicaments, notamment les génériques, moins coûteux.

Jusqu'à 9 100 euros

Claude Le Pen, professeur d'économie de la santé à l'université de Paris-Dauphine, estime que « c'est la fin d'une certaine médecine libérale », qu'il décrit comme l'exercice dans lequel « les médecins sont libres de prescrire ce qu'ils veulent, de s'installer là où ils veulent. Ils sont payés par les patients et n'ont de comptes à rendre qu'aux patients. » Et de décrire une nouvelle situation : « Aujourd'hui, il y a une tutelle administrative et il faut obéir à un certain nombre d'éléments. Le versement n'a rien à voir avec le soin, l'idée étant de soigner mieux à travers l'organisation de la prise en charge des médecins libéraux. » L'économiste de la santé trouve d'ailleurs que la France se rapproche d'un modèle de sécu à l'anglaise.

Ce dispositif, qui existe depuis 2009, était proposé de manière individuelle. Les généralistes ont été 15 000 à se porter volontaires. La prime à la performance a rapporté en moyenne 3 000 euros la première année aux volontaires. L'Assurance-maladie évoque un montant pouvant aller jusqu'à 9 100 euros pour un médecin ayant une clientèle de 800 patients.

Juge et partie

Le système est jugé philosophiquement intéressant parce qu'il ne rémunère pas uniquement la quantité. Mais il reste des inconnues sur la qualité des critères retenus par la Sécurité sociale et sa capacité à évaluer les résultats. D'autant, notent certains médecins, que dans cette affaire, elle est juge et partie. Le protocole signé a aussi acté des majorations pour de nouveaux types de consultations. Comme l'instauration d'une consultation de dépistage du mélanome chez les dermatologues (46 euros). La possibilité pour les médecins et gynécologues de facturer les frottis en plus d'une consultation. La création d'une consultation médicale de sortie de maternité à 38 euros. Une majoration de 3 euros (portant la consultation à 31 euros) pour les pédiatres en secteur 1. La création d'une consultation à domicile chez un patient atteint de la maladie d'Alzheimer. L'instauration d'une consultation spécifique pour les psychiatres recevant des jeunes en difficulté ou des patients en situation d'urgence. Ainsi que la valeur du forfait thermal porté de 62 à 70 euros.

   SUDOUEST.fr  

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