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la Cagouille Enchaînée
12 septembre 2011

ANGOULÊME : LES MAUVAIS COMPTES DU TRIBUNAL DE COMMERCE

Un mandataire judiciaire et le greffier de la juridiction consulaire sont poursuivis pour détournement de fonds dans des affaires de liquidation d'entreprises.

Le mandataire judiciaire Jean-François Torelli (en bas) et le greffier Pierre Bouthinon-Dumas ont été mis en examen hier. Photo archives Alain Bourron, Tadeusz Kluba et Isabelle Louvier   ( Bourron Alain) 

L'un est un mandataire judiciaire incontournable en Charente comme en Dordogne. L'autre est le greffier du tribunal de commerce d'Angoulême, en exercice depuis plus d'un demi-siècle. Jeudi soir, Jean-François Torelli, 51 ans, et Pierre Bouthinon-Dumas, 76 ans, ont été mis en examen, le premier pour abus de confiance aggravé, le second pour recel. Il est reproché au mandataire d'avoir réglé des avances sur frais de greffe notoirement surévaluées dans quatre affaires de liquidation de PME charentaises, dont la CFPI, ex-Flamand, et la Sochaquou. Entre 2008 et 2009, plus de 112 000 euros destinés aux créanciers auraient ainsi été détournés. Tous deux sont ressortis libres du palais de justice d'Angoulême, mais placés sous contrôle judiciaire. Une affaire à verser au dossier des turpitudes de la juridiction angoumoisine, il est vrai rompue en la matière.

Elle fait suite aux déclarations tonitruantes de Patrick Nielz dans l'édition charentaise de « Sud Ouest », le 19 mai dernier. Ex-greffier du tribunal de commerce de Cognac, lui-même mis en examen pour abus de confiance aggravé et détournements de fonds depuis mai 2010, il se refusait à porter seul le chapeau, désignant nommément son confrère Pierre Bouthinon-Dumas.

L'ardoise du greffe

Il n'en fallait pas moins pour voir Patrick Nielz convoqué dans le bureau du procureur Nicolas Jacquet. Une enquête est alors confiée à la police judiciaire de Limoges. En parallèle, une inspection du Conseil national des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires menée début juin au sein du cabinet de Me Torelli relève les irrégularités qui lui valent aujourd'hui d'être poursuivi.

Les deux hommes réfutent toute intention frauduleuse. Selon Thierry Morenvillez, avocat de Pierre Bouthinon-Dumas, c'est parce que son étude avait laissé filer une ardoise de « plus de 100 000 euros » au « Bulletin officiel des annonces civiles » que le greffier s'était permis de réclamer des acomptes au mandataire, requête légitime dans des procédures loin d'être bouclées. Aussi « accaparé par la rédaction des jugements du tribunal » que « peu intéressé par la comptabilité », Pierre Bouthinon-Dumas ne se serait pas soucié de l'origine des provisions - « totalement disproportionnées », convient Me Morenvillez. Et si le cabinet de Jean-François Torelli s'est contenté de mobiliser les sommes dans quatre procédures en cours, « le détournement n'est nullement démontré en l'état actuel du dossier », oppose son avocat, William Devaine. Pour preuve, invoquent les défenseurs, la clôture du dossier de liquidation de la Sochaquou a vu le greffe rembourser 34 000 euros d'avances indûment perçues en juillet.

« Que la justice passe »

La double mise en examen n'en fait pas moins l'effet d'une énième bombe dans les murs du tribunal de commerce. Déjà, en 2005, l'ex-présidente et un mandataire judiciaire étaient condamnés pour faux et usage de faux dans des procédures collectives. Ironie de l'histoire, c'est Pierre Bouthinon-Dumas qui avait alerté le premier sur leurs agissements. Prompt à dénoncer les dérives des tribunaux de commerce en général et les méthodes de Jean-François Torelli en particulier, Michel Verneuil, président de l'association Léon 16, se réjouit de voir le « système assaini ». Même Jacky Bouchaud, président en exercice du tribunal de commerce, s'en félicite à demi-mot : « Que la justice passe. »

Dès ce matin, une nouvelle greffière prêtait serment devant les juges consulaires du tribunal de commerce. Si Pierre Bouthinon-Dumas, fortement incité à passer la main, a fini par se trouver un successeur, le sort de Jean-François Torelli devra être tranché sous peu : le parquet d'Angoulême et le Conseil national des administrateurs judiciaires soumettront « dans les prochains jours » une demande de suspension provisoire. Me Devaine s'en étonne : « C'est aller un peu vite en besogne. L'instruction n'en est qu'à son commencement. C'est une méconnaissance flagrante de ce qu'on appelle la présomption d'innocence. »

Samedi 10 septembre 2011 à 06h00
Par Daniel Bozec

SUDOUEST.fr

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