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la Cagouille Enchaînée
18 février 2011

"IL N'Y A PAS DE RUPTURE CONVENTIONNELLE SANS CONFLIT"

Présentée comme une alternative "à l'amiable" au licenciement et à la démission, la rupture conventionnelle a vu son recours bondir de 31% en 2010. Pourtant, elle ne garantit pas l'équilibre entre employeur et salarié, estime Alina Paragyios, avocate spécialisée en droit social au barreau de Paris.

TravailEmploiReuters/Toby Melville

Créé en 2008, le recours à la rupture conventionnelle continue d'exploser. Ce dispositif de séparation à l'amiable a en effet été utilisé 230.000 fois l'année dernière, soit une hausse de 31% sur un an. On devrait ainsi passer le cap des 500.000 en janvier. Pour le patronat, c'est un "succès", tandis que le débat sur l'existence ou pas d'abus serait "virtuel", selon la CFDT. On note toutefois une sur-représentation des plus de 58 ans dans les utilisateurs du dispositif qui permettrait ainsi aux entreprises de faire financer des pré-retraites par l'assurance chômage. Est-il vraiment "gagnant-gagnant"? L'avis d'Alina Paragyios, avocate spécialisée en droit social au barreau de Paris.

Lors de la mise en place du dispositif, des représentants des salariés craignaient de voir le dispositif déséquilibré au profit des employeurs. Qu'en est-il deux ans plus tard?

On touche là aux limites de la définition d'un départ négocié, puisque dans les faits on n'utilise pas la rupture conventionnelle s'il n'y a pas de conflit : l'employeur n'a aucun intérêt à proposer ou même à accepter une rupture à l'amiable à la place d'une démission, puisqu'il lui faudra payer des indemnités de licenciement, d'autant plus élevées que le salarié aura d'ancienneté. On ne peut donc pas parler d'un dispositif efficace qui permette à l'employeur et au salarié de se séparer de manière consensuelle quand ils veulent. Le rapport de subordination existe évidemment. On est donc loin d'un règlement "à l'amiable" et l'employeur n'accepte dans les faits que s'il y a conflit.

Ou pour déguiser des plans sociaux?

Oui cela peut arriver, même s'il est difficile d'avoir une idée précise du phénomène. Même dans ce cas, beaucoup de salariés finissent souvent par accepter la rupture conventionnelle s'ils obtiennent de l'employeur des indémnités équivalentes à celles d'un licenciement économique ou par exemple la prise en charge de l'accompagnement, un complément de leurs heures de droit à la formation ou le financement d'un cabinet d'outplacement. Plusieurs ruptures provenant de la même entreprise dans un délai court doivent éveiller les soupçons et la direction départementale du travail [chargée d'homologuer les demandes de ruptures conventionnelles dont elle contrôle la légalité, ndlr] a les moyens de le contrôler.

Les recours aux prud'hommes sont-ils nombreux?

La rupture conventionnelle laisse un vide juridique puisqu'elle ne donne aucune garantie à l'employeur que le salarié ne l'attaquera pas par la suite. Dans les faits, beaucoup de ruptures sont donc suivies d'un protocole transactionnel qui fixe une somme supérieure à ce que le salarié aurait normalement touché. Les contentieux sont donc rares et ne proviennent que des salariés qui ont négocié seul, sans l'aide d'un avocat, et contestent après coup des conditions qu'ils ont acceptées en position de faiblesse. L'un des mérites du dispositif aura donc été de généraliser une pratique de la transaction qui se faisait jusque là après un licenciement, parfois à la limite de la légalité...

   LEXPANSION.com    

Propos recueillis par Alexia Eychenne - publié le 10/01/2011 à 10:47

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