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la Cagouille Enchaînée
17 mars 2011

VEUZE: LE BAROUD D'HONNEUR

Les 91 salariés des Papeteries de la Veuze ne voulaient pas mourir sans faire de bruit. En voiture et à pied, ils ont manifesté hier dans la dignité, de Magnac jusqu'au tribunal.
 
VeuzeBaroud

Vers 15h30, les ex-employés de Veuze se sont couchés sur les marches du palais de justice.Photos Phil Messelet

Dignes jusqu'au bout. Mais résolus à ce qu'on ne les oublie pas ! Hier, la grande majorité des 91 employés des Papeteries de la Veuze à Magnac ont fait un baroud d'honneur en ville. «Pour le symbole», explique Philippe Lalue, délégué CFDT. Mardi, le tribunal de commerce a scellé le destin des employés de l'entreprise appartenant à la famille Dubois en prononçant la liquidation judiciaire (lire CL d'hier). Pour eux, c'est la plongée dans l'enfer du chômage et de l'incertitude de retrouver un emploi.

Dans la matinée, ils ont distribué des tracts à Magnac, expliquant à qui voudraient les lire que «91 familles sont dans le désespoir total». Tracts qui donnaient rendez-vous pour une dernière marche, tous ensemble, jusqu'au tribunal d'Angoulême. Malgré les pressions reçues pour qu'ils évitent de faire des vagues.

Ils ont décidé de marcher la tête haute. «De toute façon, on a tout perdu. On n'a donc plus rien à perdre», lance l'un d'eux, juste avant de prendre la route en convoi.

«On a rempli les caisses»

Quatorze véhicules au pas, entre les papeteries et le parking de Lunesse. Puis remontée en ville à pied, en passant par la gare. Un petit groupe. 80 personnes. Des pancartes traduisant ce sentiment commun d'avoir été lâchés. «Il fallait 500.000 € pour sauver l'entreprise, assure Bernard, dans l'entreprise depuis dix-sept ans. Personne n'a bougé. On a reçu un fax hier [mardi] de Ségolène Royal pour nous indiquer qu'elle allait envoyer un cabinet pour étudier les possibilités de reprise de l'entreprise.» Il rit jaune. «Et maintenant, la dépollution va coûter 10 millions d'euros.»

Leur dernier combat est entre les mains du liquidateur judiciaire, Me Jean-François Torelli. «On a bossé jusqu'au bout quand d'autres préfèrent menacer de tout faire sauter», souffre l'un des manifestants. «On a rempli les caisses. En six mois, on a généré 2,6 millions d'euros. On trouverait normal que cet argent nous permette d'avoir un petit bonus en plus des indemnités légales.»

Le problème, c'est que les AGS, organisme censé assurer le paiement des salaires, leur ont dit que, comme les caisses sont pleines, elles ne paieront pas. «Autrement dit, on a bossé pour autofinancer nos indemnités.» Inacceptable.

Du coup, rue Goscinny, la tentation est grande de sonner chez Me Torelli et de lui jouer un coup de corne de brume pour qu'il n'oublie pas de bien les défendre. Mais les 91 salariés sont restés dignes, jusqu'au bout. Préférant la marche joyeuse au débordement. Leur seul espoir, c'est que cette dignité soit payée de retour.

"On a fait beaucoup de sacrifices"

Laurent a fait 16 ans de Papeterie à Veuze comme polyvalent. «Un travail pénible, avec des factions. On a tous fait beaucoup de sacrifices pour l'entreprise.» Délaissé un peu la famille. «Mon fils de 9 ans m'a dit qu'il ne me voyait pas souvent.» Aujourd'hui, Laurent a le sentiment d'avoir à son tour été sacrifié. Il regrette aussi que, sur les 91 salariés laissés sur le carreau, tous ne sont pas là pour le baroud d'honneur. «La minorité absente nous manque. C'est certainement la dernière fois qu'on sera tous ensemble.»

"Ça me rend malade"

Il est entré aux Papeteries de la Veuze à 15 ans. Il y a travaillé 45 ans. Et même s'il est en retraite depuis 1999, hier, il était dans le cortège. «Ça me rend malade de voir une entreprise trébucher comme ça.» L'ancien responsable de fabrication ne garde que de bons souvenirs. «Les trente premières années, c'était comme la vie de famille. C'était une entreprise paternaliste. Nous étions heureux de travailler.» Il a connu le grand-père aux commandes, puis le fils. «Quand le petit-fils a pris la suite, on a senti le changement.»

17 mars 2011 | 04h00   Mis à jour | 07h21   Richard Tallet

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