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la Cagouille Enchaînée
10 mai 2011

POLÉMIQUES APRÈS LE SUICIDE D'UN PROF DE SOYAUX

10 mai 2011 | Mis à jour | 14h19     Stéphane Urbajtel
Un professeur du collège Romain-Rolland de Soyaux s'est donné la mort. Le syndicat SUD lie son geste et ses conditions de travail.


Ce texte (dont nous ne reproduisons qu'une partie) a été rédigé par le bureau de SUD Éducation Charente.
Il a été largement diffusé à la communauté éducative de Charente.   Repro CL

Le drame s'étale dans le courrier signé du syndicat SUD Éducation Charente reçu ce week-end par de nombreux enseignants du département (1). Un professeur de technologie du collège Romain-Rolland de Soyaux s'est donné la mort le 1er mai à la veille de la rentrée des vacances de Pâques. Il avait 33 ans.

«Un suicide est une affaire complexe dont les causes sont multiples, écrit d'abord prudemment SUD Éducation Charente. Mais nous souffrons que cette issue se soit imposée à lui.» L'organisation fait ainsi le lien entre le terrible geste et le métier de la victime. «Nous le connaissions suffisamment [il est membre du syndicat NDLR] pour ne pas ignorer que l'une des raisons qui l'ont amené à cela est liée aux conditions de travail. Il avait pris ses fonctions en décembre, chargé de onze classes, troisième remplaçant sur le poste, les deux précédents ayant démissionné. Il avait fait face avec courage à des conditions que d'autres avaient refusées.»

Le syndicat instrumentalise-t-il un fait divers pour justifier son point de vue sur un thème de société? Conscient d'avoir mis les pieds sur un terrain miné, SUD Éducation Charente risque le parallèle avec les suicides chez France Télécom. «Devions-nous rester silencieux pour éviter d'être taxés d'utiliser cette situation ou devions-nous nous exprimer pour tenter d'éviter qu'un tel drame ne se reproduise? Cette question, nos camarades de France Télécom ont eu maintes fois à se la poser. Comme eux, nous avons fait le choix de ne pas nous taire. Car son geste désespéré est révélateur d'un malaise réel dans notre secteur professionnel.»

«On l'a jeté dans la fosse aux lions»

«C'est une exploitation de la mort dégueulasse, s'offusque une enseignante du collège Romain-Rolland, conviée la semaine dernière au «groupe de parole» proposé aux personnels de l'établissement choqués par la tragédie. Oui ce professeur était un vacataire et ses conditions de travail étaient difficiles. Oui, il y a de la place pour la critique du système. Mais se servir de ce suicide pour le souligner, c'est honteux.»

«C'est une illustration terrible d'un problème grave, estime pour sa part un autre prof, plus nuancé. On a confié un poste de prof de techno à quelqu'un recruté à l'ANPE. On l'a formé trois jours avec un enseignant de Mendès-France et puis on lui a dit: "Maintenant, débrouille-toi. Tiens, voilà onze classes au Champ-de-Manoeuvre". Ce garçon était fragile. On l'a jeté dans la fosse aux lions.»

«Peut-on dire que les conditions de travail de cet enseignant ont été déterminantes dans son désir de mettre fin à ses jours? Très probablement oui, mais ce n'est sûrement pas la seule raison qui l'a incité à commettre ce geste», considère, quant à lui, Denis Lavauzelle, directeur de l'école Freinet à Soyaux. Celui qui est aussi élu d'opposition à la mairie de Soyaux et militant connaissait la victime «hors du cadre professionnel». «Nous faisions du théâtre ensemble.» Il décrit un garçon «très consciencieux, très travailleur, mais un peu écorché vif».

«Ses conditions de travail, c'est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase, mais il y avait beaucoup d'autres gouttes d'eau», assure un ami de la victime qui décrit ses «graves problèmes psychologiques et psychiatriques». Deux autres proches confirment, mais rejettent les «amalgames». «Son geste n'avait rien à voir avec son métier», assure le premier. «Il allait même plutôt mieux depuis qu'il enseignait», tranche le second.

(1) Le texte a été rédigé «par l'ensemble du bureau de SUD Éducation Charente», explique le militant Jean-Pierre Bellefaye, l'un des animateurs du syndicat et corédacteur du courrier.

La lettre dans son intégralité

L'inspecteur d'académie «écoeuré»

D'habitude, Jean-Marie Renault pèse ses mots. Aujourd'hui pourtant, l'inspecteur d'académie de la Charente se lâche en découvrant le courrier de SUD Éducation Charente. «Je suis écoeuré, s'emporte-t-il. Utiliser un drame individuel et très personnel pour oser des rapprochements douteux, c'est scandaleux. On instrumentalise une situation. Quand je lis les mots et les parallèles effectués par l'auteur du courrier qui n'a même pas eu le courage de signer de son nom, j'ai honte pour lui.»

Au-delà du commentaire indigné, Jean-Marie Renault l'affirme, il ne recherchera pas le rédacteur de ces lignes: «Il n'y aura pas de chasses aux sorcières.» Mais le vindicatif inspecteur d'académie redevient placide lorsqu'il s'agit de répondre à des questions plus «politiques»: comment un jeune homme peu formé au métier et que tout le monde savait fragile a-t-il pu être nommé dans un collège situé en zone d'éducation prioritaire (ZEP)? «Il faut rappeler que des dispositifs d'écoute et d'accompagnement aux enseignants victimes de troubles existent, contourne Jean-Marie Renault. S'ils s'en saisissent, ils sont aidés.» 

   CHARENTELIBRE.fr  

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