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la Cagouille Enchaînée
7 septembre 2011

MEDIATOR: "TOUS COUPABLES, MAIS PAS TOUS POURRIS"

Mediator, Protelos... Les laboratoires Servier sont encore montrés du doigt. Faut-il mettre en cause le circuit du médicament ? Vincent Olivier, notre spécialiste des questions de santé, a répondu à vos questions. 

Les cadeaux des laboratoires pharmaceutiques aux médecins "Bons Préscripteurs" et les faux dossiers "Evaluations des médicaments " produits pas les médecins pour recevoir une rémunération des laboratoires et ainsi détourner la loi sont-ils toujours pratiqués? (DURIAU)

Vincent OLIVIER: Ne confondez pas tout! Les "faux dossiers" que vous évoquez sont du ressort, si tant est qu'ils existent, de l'industrie pharmaceutique exclusivement, et en tout cas pas des médecins prescripteurs. Pour ce qui est des "cadeaux" offerts à ces derniers, cela fut longtemps une pratique ordinaire, c'est vrai. Encore faut-il préciser qu'il s'agissait, le plus souvent, de médicaments plus ou moins "donnés" ou de bouteilles de vin par exemple, mais pas de sommes d'argent. Enfin, sur la question de savoir si ces pratiques ont toujours cours, je serais prudent. Je ne crois pas -mais il s'agit d'un sentiment personnel, non étayé sur des données officielles (et pour cause !)- que l'on puisse parler aujourd'hui de détournement généralisé ou de mauvais usage de médicament.  

La fabrication des médicaments est en majorité effectuée en Indes et autres pays. La qualité et la quantité des différentes molécules sont elles vérifiées, conformément à celles définies par les laboratoires et les instances administratives françaises? (julius5)

La fabrication des médicaments se fait partout dans le monde, y compris en France - un exemple parmi d'autres: beaucuoup de gens l'ignorent, mais durant les premières années, le célèbre Viagra commercialisé par Pfizer a été produit en France pour l'ensemble de l'Europe! Pour ce qui est des vérifications en termes de "process", de qualité, de principe actif et autres, les normes sont européennes et ne souffrent aucune exception. Je ne fais pas là, bien entendu, référence aux malfaçons ou aux détournements de médicaments car ces pratiques sont le fait de véritables mafias internationales, avec en jeu des dizaines de millions d'euros.  

Le laboratoire Servier ne communiquait pas sur l'effet coupe-faim du Mediator pour faciliter l'AMM. Or, les médecins prescrivaient généreusement ce médicament pour ces propriétés. Comment est-ce possible? Les médecins ayant prescrit du médiator hors cadre thérapeutique n'ont-ils pas une responsabilité et ne devraient-ils pas rembourser la sécurité sociale? (kaskapointe)

Tout est possible! En l'occurence, les médecins sont, en France, libres de prescrire hors AMM (autorisation de mise sur le marché) et ils tiennent énormément à cette liberté. Concrètement, cela signifie qu'ils peuvent modifier les posologies, voire les indications pour un patient donné. Mais (et ce mais est essentiel), ils le font alors sous leur propre responsabilité. Et donc, s'il y a des effets secondaires consécutifs à une telle prescription (par exemple, un patient sous Mediator qui ne serait pas diabétique), ils doivent le cas échéant justifier leur attitude. Soit devant la justice, soit devant leurs pairs, à travers le Conseil de l'Ordre. Quant à rembourser la Sécurité Sociale, cela me semble difficile: après tout, ils n'ont pas touché d'argent du simple fait d'avoir prescrit tel médicament et non pas tel autre. Un dernier point: sur le plan juridique, le médecin et le pharmacien sont co-responsables en cas de mésusage d'un médicament.  

J'ai pris du fosavance pendant environ 10 ans (contre l'ostéoporose), j'ai oui dire que ce produit était cancérigène. Je voudrai connaitre la vérité. (Marie)

Il n'y a pas "une" vérité pour l'ensemble des patients, de la même façon qu'il n'y a pas "un" effet d'un médicament ni "un" risque avéré et valable pour tous. Tout dépend de vos antécédents personnels, du dosage du médicament, de votre profil génétique etc. Le mieux, me semble-t-il, est d'aller voir le médecin qui vous a prescrit ce traitement ou, à défaut, votre médecin traitant actuel et d'en parler avec lui.  

Sur combien d'années un médicament est-il testé et sur combien de personnes? Y-a-t-il des médicaments 'équivalents'? Mon épouse prend du Protelos depuis 1 an pour des problemes d'ostéoporose et nous voudrions changer ce médicament bien que sa gynecologue lui ait dit qu'il n'y avait aucune crainte. (Dodo78)

Entre la découverte du principe actif d'une molécule et son arrivée dans les pharmacies, il s'écoule entre 5 ans et 10 ans environ. Ce principe actif est d'abord testé sur des animaux, puis sur des volontaires sains (pour déterminer le niveau de dose acceptable), puis sur des patients sélectionnés - on appelle cela des essais de "phase 3". Au total, plusieurs centaines de personnes. Ensuite, une fois ce médicament mis sur le marché, le laboratoire est tenu de signaler tout "effet indésirable grave" (c'est la terminologie officielle), car on passe d'un coup de quelques centaines à des milleirs, voire des dizaines de milleirs de patients. Et c'est là, et seulement là parfois, qu'apparaissent des effets secondaires jusque là non repérés. 

Quant aux "médicaments équivalents", je suppose que vous faites allusion aux génériques, quand ils existent. Ces derniers ont exactement les mêmes propriétés pharmacologiques que le médicament appelé "princeps".
Pour ce qui est du Protelos, je vous fais la même réponse que précédemment : parlez en à votre médecin et si vous ne lui faites pas confiance, allez en voir un autre! Mais sachez que c'est en général votre médecin traitant (ou la gynéco de votre femme) qui vous (qui la) connait le mieux.  

Comment pourrait-on assurer l'indépendance de l'Afssaps vis-à-vis des labos? Car il est clair qu'il y a régulièrement conflit d'intérêt... (Ceecee)

Il y a clairement conflit d'intérêt quand ce sont les mêmes médecins qui travaillent tantôt pour un organismes officiel, comme l'Afssaps, tantôt pour un laboratoire pharmaceutique. Le problème, qui n'est pas vraiment résolu à ce jour, c'est qu'il n'y a pas tant de "bons" spécialistes que cela pour une pathologie donnée. C'est la (mauvaise, j'en conviens) raison pour laquelle tout le monde fait appel à eux. 

Il est prouvé depuis des années que beaucoup de médicaments on des effets secondaires graves. Il n'est plus possible d'avoir confiance en l'industrie pharmaceutique, pourquoi le gouvernement ne fait pas preuve de plus de sévérité dans ses recherches? (josephacoccinelle)

Mais tous les médicaments ont, potentiellement, des effets secondaires graves! Je dirais même que plus ils sont efficaces, et plus ils ont d'effets secondaires. C'est pourquoi il est absolument essentiel que les laboratoires signalent systématiquement ces effets secondaires, aux niveau national, européen et mondial. A charge pour les pouvoirs publics, ensuite, d'en tirer les conclusions qui s'imposent. Dans le cas du Mediator, il est clair que les autorités de santé, ministres compris, ont pour le moins manqué de vigilance...  

On sait tres bien que les visiteurs médicaux ont des objectifs chiffrés, ils sont payés pour vendre des boîtes coute que coute, même s'ils ne sont pas les seuls responsables, peut on envisager une reforme de la visite médicale où les visiteurs seraient des informateurs thérapeuthiques éthiques et non des vendeurs? (Lounete)

Soyons précis: les visiteurs médicaux (les VM) sont payés de deux façons. Une partie (la plus importante) est fixe, l'autre varie selon le volume de boîtes vendues. Le gouvernement a annoncé une réforme profonde du mode de fonctionnement de ces VM. Tant mieux! Mais il faut bien reconnaître que si les VM ont pris tant d'importance, c'est aussi parce que les pouvoirs publics n'ont jamais jugé bon de prendre en charge la formation professionnelle des médecins, ni de leur donner des informations viables en la matière. Pour dire les choses autrement, les labos n'ont fait que s'engouffrer dans une brêche énorme que leur a généreusement -et bien légèrement- ouverte l'Etat, la Sécu et les gouvernement successifs.  

Le laboratoire Servier est un laboratoire privé,mais ce n'est pas lui qui homologue les médicaments!!! C'est à l'Etat de le faire donc pour moi c'est l'Etat qui est responsable. Qui était ministre à l'époque: responsable mais pas coupable!!! (parisien 75)

Certes. Encore eût-il fallu que Servier fournisse des informations exactes aux pouvoirs publics, qu'il ne cache pas les complications, voire les décès survenus sous Mediator. Ce qui n'exonère pas pour autant, je le reconnais, les pouvoirs publics, ni les médecins prescripteurs, ni les experts à multiples casquettes. Je dirais donc: tous responsables, tous coupables. Mais à des degrés divers. Ne cédons pas pour autant à la facilité du 'tous pourris", inexact et trop facile.  

Où en sont les responsabilité des Médecins, pour avoir prescrit du "Médiator" comme coupe-faim sur des personnes non diabétiques? (madseb22)

En principe, ils n'auraient pas dû. Mais sans doute faut il distinguer entre celui qui, une fois ou deux, et après interrogatoire sérieux, en aurait prescrit à des patients en surpoids réel, y compris non diabétiques. Et le médecin qui, sans interrogatoire, sans suivi, en aurait délivré à des dizaines de personnes souffrant tout juste d'un léger embonpoint ou à des mères qui voulaient juste "retrouver leur poids d'avant". Et je ne veux même pas évoquer les spécialistes auto proclamés et autres nutrionnistes qui, à l'instar d'un Dr Dukan, ont dit tout et son contraire...  

Comment avoir confiance dans une prescription quand on sait les moyens déployés par les labos pour vendre leurs produits (conférences et séminaires prétextes à cadeaux aux médecins, pseudos voyages d'étude où l'on peut amener son conjoint ou... sa maîtresse, pseudos stages de formation continue, etc)? L'information médicale ne devrait-elle pas être confiée exclusivement à un établissement public ? (marineal)

Ne mésestimez pas pour autant la conscience professionnelle d'un médecin, soucieux avant tout de la bonne santé de son patient. Ce sont sans doute eux les plus nombreux. Quant aux pseudo voyages d'étude ou autres, sachez qu'ils sont, dans la réalité, réservés aux experts reconnus dans leur spécialité (ce qui ne les exonère de rien, je suis d'accord !) et que ces voyages sont de moins en moins nombreux. On est en tout cas très loin des dérives des années 80 et 90. 

Quant à confier l'information médicale à un établissement public, pourquoi pas. Encore faut-il au préalable définir avec précision ses tâches, ses responsabilités et son mode de communication avec les médecins. Ce sera, j'espère, l'objet de la prochaine réforme du médicament, annoncée par Xavier Bertrand mais qui sera, selon toute vraisemblance, mise en oeuvre par son successeur... 

Pourquoi pour réduire les dépenses des usagés , les prix ne sont-ils pas référencés comme pour les livres? Cela participerait au mieux être des ménages. Un exemple dans une pharmacie du 16ème le Sporténine est vendu plus de 9 euros, alors qu'il est à 5,80 euros dans le 7ème. (Clémentine)

Il existe deux grands types de médicaments. Les plus nombreux sont à prix fixe,exactement comme les livres, et remboursés par la Sécurité Sociale (selon un taux qui varie de 100% à 15 %). Les autres sont dits en "OTC" (pour "over the counter" en anglais, c'est-à-dire disponibles sur le comptoir), comme l'aspirine ou le paracétamol. Parfois, ce sont les labos qui décident de sortir du remboursement Sécu car ils sont alors libres de mettre le prix qu'ils souhaitent - et les pharmacies en profitent aussi pour ajuster leurs marges! Dernier cas, assez rare il est vrai: les médicaments sous prescription médicale mais non remboursés par la Sécu. Cest le cas, par exemple, des Viagra et autres, et des substituts nicotiniques.  

Pourquoi les "vieux" médicaments ne doivent pas obligatoirement passer une contre visite ? Il est clair que certaines molécules autorisées depuis longtemps peuvent être très dangereuses (aspirine). Il me semblerait normal que l'AFFSAPS revalide tous les 10 ans (par exemple) un médicament. (guiraudn)

Vous avez tout à fait raison! On dit même que, si l'aspirine était découverte aujourd'hui, elle n'aurait pas d'AMM (autorisation de mise sur le marché) en raison de ses effets secondaire potentiels graves - saignements, perforation de l'intestin et ulcère pour ne citer que ceux là. C'est sans doute exagéré, mais il est indéniable que les procédures se sont durcies au cours des denrières années. De ce point de vue, une revalidation tous les dix ans me semble effectivement à envisager.  

Par LEXPRESS.fr, publié le 07/09/2011 à 18:21

LEXPRESS.fr

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