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la Cagouille Enchaînée
10 septembre 2011

11 SEPTEMBRE, CE JOUR QUI BOULEVERSA NOS VIES

La mort de Ben Laden n'a pas refermé une décennie maudite qui a vu l'Amérique perdre ses repères, avec pour perspective une autre guerre contre le déclin

Ground Zero. Des décombres des tours jumelles de Manhattan restent deux vastes trous. Au bord de ce mémorial qui ouvrira lundi au public, les New-Yorkais se remémorent le jour où leur ville, avec des milliers d'êtres chers, a perdu l'innocence et l'insouciance. New York année zéro, comme Berlin en 1945. Et Amérique année zéro : un pays entier communie dans un mélange de tristesse et de confiance enfuie.

« L'impossible rendu possible », « L'inimaginable s'est produit », « Jamais plus rien comme avant » : les témoignages qui tournent en boucle disent tous quelle fut l'onde de choc. « J'ai l'impression que cet événement qui a bouleversé ma vie s'est passé hier », témoigne Patrick Goupit. New-Yorkais d'adoption, ce maître d'hôtel français dans un café au pied du pont de Brooklyn avoue, comme tant d'autres, que le 11 Septembre « a radicalement changé [sa] vie ». Dans une ville où 20 % des adultes souffrent de traumatismes, les dix ans écoulés n'ont rien effacé.

Atmosphère de guerre froide

Et ce monde n'est plus pareil. Pour les Américains, la parenthèse ouverte par la chute du Mur s'est refermée brutalement avec celle des tours. Finie l'époque où leur pays surpuissant, sûr de sa bonne volonté, dirigeait le concert des nations. La pesante atmosphère de la guerre froide est revenue avec la peur, à ceci près que, du temps de la crise des missiles à Cuba, la bombe atomique n'avait pas explosé. Cette fois, le mauvais génie est sorti de la lampe : en dégoupillant avec ses sbires la grenade à fragmentation de la terreur, Ben Laden a privé l'Amérique de ses certitudes. Et une bonne partie du monde avec elle.

Une âme fracturée

Contre « l'axe du mal », les « États voyous » et les poseurs de bombes, l'Amérique de 2011, débarrassée de son ennemi intime depuis le raid d'Abbottabad en mai dernier, sent qu'elle a gagné une manche dans sa guerre contre la terreur. Mais à quel prix ! Et l'anniversaire qui sera célébré demain en présence de deux présidents, Bush et Obama, serait moins sombre si le pays n'était en passe de perdre son autre guerre, celle contre le chômage et la dette (lire page 5). Obama a beau dire que les terroristes ont échoué, qu'un avenir de paix et de prospérité est possible, l'hyperpuissance de 2011, touchée dans ses valeurs, saignée par deux guerres contestables menées à crédit, est l'ombre d'elle-même.

Autour de Ground Zero, un nouveau Manhattan va pourtant se dresser avec ses tours nouvelles. Ce chantier préfigure celui que l'Amérique va devoir entamer pour restaurer ses territoires abîmés par la crise et soigner son âme fracturée.

Si on dessinait le monde sans le 11 Septembre ?

Certes, George Bush, élu en 2000, aurait tout de même dirigé l'Amérique d'alors. Mais aurait-il été réélu ? En tout cas, il est sûr que les États-Unis ne seraient pas partis en guerre en Afghanistan, ni en Irak. Ils n'auraient pas dépensé ces milliers de milliards de dollars qui ont précipité la crise de 2007 et ont laissé exsangues les finances du pays. Bref, la face du monde aurait sans doute été changée.

Imaginer ce que serait l'état du monde sans Ben Laden peut sembler vain. Mais il est probable que sans le 11 Septembre, la montée en puissance de la Chine aurait été moins rapide ; que nos démocraties n'auraient pas pris un tel virage sécuritaire ; que l'argent dépensé pour calmer la hantise des attentats l'aurait été à meilleur escient ; que nous aurions évité les bisbilles entre « vieille Europe » et Américains ; que les voyages en avion, hérissés de contrôles, ne seraient pas devenus aussi pénibles ; que les musulmans occidentaux seraient mieux intégrés…

On peut rêver. Sauf à dire que les attentats aveugles, islamistes ou non, avaient déjà frappé ; que l'arrogance des gagnants de la guerre froide avait déjà fleuri ; que la mondialisation libérale avait déjà, pour le meilleur ou le pire, déployé ses effets sur une planète en plein changement démographique et politique. Tout cela pouvait mener à une guerre des civilisations. Celle que le 11 Septembre devait précipiter… et qui n'a heureusement pas eu lieu.

06h00 | Mis à jour 07h18 - Par Christophe Lucet 

SUDOUEST.fr

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